Initialement commercialisée comme un film d’horreur semblable aux longs-métrages des années 70 L’Exorciste et La Malédiction, Audrey Rose présente certainement des moments effrayants et flirte avec le surnaturel, mais se révèle bien différente par rapport à ces jalons du frisson. Etude intelligente et souvent tendue sur la notion de réincarnation, mais aussi sur le noyau familial, Audrey Rose n’appartient certes pas à l’horreur pure, mais devient finalement, au fil du temps, une excellente étude de personnage, une exploration de la religion et de la réincarnation, voire un grand film des années 70 souvent négligé.
Les Templeton (Mason et Beck) ont apparemment tout : de l’argent, un superbe appartement dans un quartier chic de New York et une relation sans incident avec leur jeune fille Ivy (Swift). Cependant, cette vie apparemment parfaite est bouleversée lorsqu’un étranger légèrement effrayant commence à les traquer. Cet étranger est Elliot Hoover (Hopkins) qui révèle finalement aux Templetons qu’Ivy est la réincarnation de sa fille décédée, Audrey Rose. Au début, ils se moquent de cette confidence surprenante mais sont bientôt obligés d’agir lorsque Hoover commence à s’intégrer dans leur vie, notamment lorsqu’Ivy commence à avoir des épisodes violents qui pourraient prouver qu’elle est Audrey. Ainsi commence la bataille pour l’âme d’un enfant alors que la notion de réincarnation devient une réalité sans cesse naissante et un combat familial pour rester sain d’esprit.
S’inspirant de son roman du même nom, Frank De Felitta a distillé son ouvrage dans un scénario serré qui présente tous les grands lieux et moments dramatiques du roman, mais rationalise la longue construction du personnage et l’exploration de la religion. Non pas que le film perde de la puissance narrative romanesque originelle, car il s’agit sans doute d’une meilleure version de l’histoire : tendue et effrayante, stimulante et émouvante, ne perdant rien de l’intégrité du personnage tout en donnant au spectateur un aperçu satisfaisant de la réalité possible, le film développe les conséquences de la réincarnation d’abord supposée qui affecte et finalement déchire une famille. Le film de Robert Wise (qui opère un retour au surnaturel plusieurs années après ses débuts sur les traces de La Féline de Jacques Tourneur dans les années 40 en compagnie du producteur Val Lewton et de Simone Simon, puis, deux décennies plus tard, avec son classique La Maison du diable) est un thriller efficace et un drame fascinant, de registre plutôt fantastique. Il peut parfois verser dans le mélodramatique et ceux qui s’attendent à une autre histoire de possession de style Exorciste pourraient être déçus, mais Audrey Rose reste un film qui possède toujours un impact dramatique 45 ans après sa sortie initiale.
Robert Wise (West Side Story, La Mélodie du Bonheur, et le génial Coup de l’Escalier) contrôle étroitement les débats, notamment par un filmage maîtrisé des décors (la cage de verre, les vitres, les lieux restreints et plus ouverts), les visages et les corps des protagonistes, sans oublier le prologue magistral; il insuffle au drame quelques effets inquiétants bienvenus, il trouve un soutien d’exception par un casting stellaire, les quatre acteurs principaux portant le poids dramatique de l’histoire. Le génial, sublime, intense Anthony Hopkins est au sommet de son art, commandant tranquillement les autres, faisant osciller le spectateur entre sympathie et détestation, par exemple pour avoir déchiré une famille. John Beck, quant à lui, est à l’opposé, toujours bon mais rigide et sceptique, déterminé à protéger sa fille même si cela divise sa famille. Mason et Swift sont phénoménaux, cette dernière exprimant avec conviction les affres de son personnage. Elle peut tomber un peu trop souvent dans l’hyperbole des cris hystériques, mais convainc toujours en tant que fille qui se bat pour son identité et demeure incroyable au dernier tiers lorsqu’elle est mise sous hypnose pour découvrir s’il y a vraiment deux âmes en bataille en elle. De même, Mason est formidable en tant que mère qui est en désaccord avec ce qui arrive à sa fille, voulant la protéger mais se rapprochant peu à peu de l’idée que quelque chose d’un autre monde se produit : notamment les tourments qu’elle ressent pendant le final lorsqu’elle se rend compte qu’elle est peut-être en train de perdre sa fille.
Bien qu’elle ne soit pas une véritable œuvre horrifique, Audrey Rose est déchirante par endroits et constitue un regard fascinant sur un scénario « et si ?» traitant de la réincarnation. Un joyau méconnu de réalisateur de grand talent que les éditions Rimini nous confient dans une édition de qualité, notamment par un bonus où Stéphane du Mesnildot développe avec passion les talents de conteur de Robert Wise.
Audrey Rose (1977)
de Robert Wise
Rimini Editions -20 novembre 2023
Titre Original :
Audio : DTS-HD MA 2.0 Mono : Anglais, Français
Sous-titres : Français
Durée : 113′ ()
Format : Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret
Zone : B
Genre : Fantastique.
Contenu et Bonus
Boîtier Digipack 3 volets avec étui
Contient :
- le Blu-ray du film (113’)
- le DVD du film (108’)
- un livret rédigé par Marc Toullec (20 pages)
Interview de Stéphane du Mesnildot : Le Cinéma d’horreur selon Robert Wise (17’30).