Au fil d’Ariane

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Le nouveau film de Robert Guédiguian avait tout pour être séduisant, à commencer par la mer et le soleil de Marseille. Un je-ne-sais-quoi le rend hélas agaçant.

Naguère, on attendait le nouveau Guédiguian. Maintenant, les enfants gâtés de la cinéphilie n’attendent plus grand-chose. Pourtant ce nouveau film est assez surprenant. Ce n’est pas qu’il abandonne la Guédiguian touch, au contraire il y revient presque en force. On y retrouve le restaurant au bord de la plage, la mer immense et ses petites criques, la franche camaraderie, le communisme, l’accent de l’Estaque et toutes les obsessions habituelles du chef d’orchestre d’Agat Films & Cie – Ex Nihilo, époux d’Ariane Ascaride, le tout étalé presque sans vergogne. Entre rêve et réalité, Guédiguian nous offre une sorte de pagnolade brechtienne et marxiste, ce qui n’est pas pour nous étonner et nous déplaire en ces jours moroses même si, par moments, le propos est quand même assez lénifiant. Nul besoin d’expliquer pourquoi le film s’appelle Au fil d’Ariane, tout le monde aura compris le jeu de mots subtil qui mêle mythologie et vie personnelle puisque Ariane Ascaride est la muse préférée du cinéaste, employée dans 16 de ses 18 films. Elle est donc celle qui peut aider le poète à sortir du labyrinthe, qui est celui de son film. En effet, tout réalisateur le crie haut et fort : faire un film est une entreprise très difficile qui nécessite courage, patience et sens de la collectivité. Avec ce dix-neuvième film, Robert Guédiguian avoue avoir voulu se faire enfin plaisir, réaliser un petit film en toute liberté, ludique et jubilatoire. Mais dans la mesure où il va encore plus loin dans l’imaginaire, il aura quand même fallu concevoir toute une machinerie très lourde, coûteuse et envahissante, qui aura transformé, encore une fois, le plaisir d’inventer pour le cinéma en entreprise cinématographique.

Bien sûr, nous ne dévoilerons rien de l’histoire car il est nécessaire de la regarder jusqu’au bout pour se sentir libre de mieux aimer le film qui peut paraître tout du long agaçant à force d’inventions, de naïveté et de militantisme maladroit. Ariane, seule dans sa belle maison de Marseille, se retrouve seule le jour de son anniversaire. Elle va alors, Alice marseillaise, partir à la découverte d’un monde, celui de la ville. Voilà pour le sujet du film. Cette promenade se situe entre la carte postale et le cliché (ce qui semble parfois pléonastique) et c’est dans cette balade que l’on va retrouver tous les talents d’Ariane Ascaride qui aimerait ressembler un peu à Giulietta Masina ou à Judy Garland. Tout le film est d’ailleurs malheureusement assez lourdingue parce qu’il ploie sous le poids des références, tant et si bien que le cinéma citationnel de Woody Allen paraît, en comparaison, assez léger et digeste. En effet, et ce sera sans doute le jeu social de l’été : amusez-vous à retrouver les références se cachant dans le film comme dans une devinette de Pif Gadget. Jean Ferrat, pas la peine de le chercher, il est partout : en chansons intégrales (quatre), en poster, en citations, et cætera. Mais Pasolini, Fellini, Brecht, Godard, Prévert, Carné, Bob Fosse, Tchekhov, Aragon, Jean-Paul Sartre, où sont-ils et pourquoi ? Ce n’est plus un film, c’est le dictionnaire amoureux de la culture, même si l’ensemble aurait pu paraître très plaisant s’il n’était pas aussi chargé. Certains esprits chagrins regretteront de ne pas y retrouver le Renoir de Toni (1935) à L’Estaque, ou La Tempête (1611) de Shakespeare. Le tout accompagné par les mimiques souvent outrées d’Ariane, des acteurs pas toujours au top et les soliloques d’une tortue à la voix de Judith Magre. Un beau pot-pourri pour l’été qui sans cela paraîtrait bien monotone.

Titre original : Au fil d'Ariane

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Durée : 100 mn


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