Amerrika

Article écrit par

Un petit film pétri de bons sentiments… mais pas seulement ! Ce portrait rieur d’une << mère courage >> palestinienne donne à voir, aussi, une facette inédite du melting-pot à l’américaine…

Ne cherchez pas la nationalité de ce « petit film indépendant » ! États-Unis, Canada, Koweït, nous dit sa fiche officielle. Une multiplicité qui sonne comme un flottement. Une quête, aussi. Et pas seulement parce-qu’un montage financier, c’est toujours un peu compliqué dans ce genre d’économie parallèle et modeste.

Non, si Amerrika semble d’emblée hésiter entre plusieurs identités, c’est précisément parce-que c’est le thème – réjouissant, tendre et grave à la fois – du premier long-métrage de Cherien Dabis, elle-mêle Américaine d’origine jordano-palestienne. Drôle de mélange ? En effet… Inspiré des souvenirs adolescents de cette jeune femme née aux États-Unis, qui découvrit sa « différence » au moment de la première guerre du Golfe, en 1991, cette chronique sociale a en tout cas la bonne idée de lorgner d’abord du côté des comédies italiennes des années 70. Alors qu’elle interroge essentiellement le sentiment dérangeant, forcément amer, de « l’étrangeté ». ..

De fait, il est souvent délicat, voire imprudent, de faire sourire (notamment à l’image) autour de ce genre de question : se sentir apatride où que l’on aille, et d’abord chez soi puisque la nationalité palestinienne n’existe pas, qu’est-ce à dire ? Le premier atout d’Amerrika, est de proposer un regard de toute façon différent, minoritaire, sur l’éden pas nécessairement accueillant que sont les USA (en 91, 10 ans avant le 11 septembre, il ne faisait déjà pas bon être arabe là-bas). C’est peu dire qu’en quelques plans notre curiosité est immédiatement attisée. Le second atout, c’est qu’il centre ses rires et ses larmes autour d’un personnage féminin touchant. Grand charisme, et grosse capacité d’émotion/identification que cette mère « courage », débordant de générosité et d’enthousiasme, en dépit des rejets et des déceptions qui vont plomber son parcours ! Un beau personnage de comédie en fait, qui semble avoir été écrit pour Nisreen Faour, ronde comédienne palestinienne. En outre – dernier point positif, et non des moindres – la B.O. « orientalo-métissée » du film ajoute encore au rythme chaleureux de l’ensemble (ton et personnages).

Les limites de ce premier ouvrage, où l’on retrouve pourtant avec plaisir une Hiam Abbass décidément très sollicitée, c’est sa maladresse en terme de situations. En dépit de l’angle original – les tribulations d’une famille palestinienne en Amérique – nombre de scènes semblent convenues ou appuyées. Ainsi, l’un des rares amis que parviendra à se faire cette mère célibataire, est – tiens donc – un Américain d’origine juive (et polonaise). Histoire de nous rappeler que tous les hommes sont frères, surtout dans l’adversité. Et… que toutes les diasporas rassemblent ou devraient rassembler. En somme, trop de bons sentiments finissent par encombrer puis banaliser ce petit film séduisant, mais flottant. Décidément.

Titre original : Amreeka

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 93 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…