Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière. (dir.Jean-Max Méjean). Paru chez L’Harmattan le 07 décembre 2023.

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Sous le Soleil de Pialat.

Bien que Maurice Pialat soit l’un des réalisateurs les plus importants du cinéma français, il est malheureusement aujourd’hui presque oublié et ses films sont peu connus par les nouvelles générations. C’est pourquoi j’aimerais vous parler du livre Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière écrit sous la direction de Jean-Max Méjean. Que vous ayez vu ou non les films de l’auteur, ce livre vous permettra de découvrir l’univers du cinéaste, de comprendre ce qu’il a vécu derrière la caméra et vous donnera l’envie de regarder ses films sous un nouvel angle. Cet ouvrage, composé de nombreux textes, m’a donné beaucoup de plaisir. Je ne peux classer cette œuvre ni comme un recueil de critiques, ni d’analyses, ni d’essais, car les articles qui le composent sont un mélange de tout cela. Ils racontent l’univers et la filmographie à multiples facettes de l’auteur, parfois en l’analysant voire en la critiquant, parfois en nous informant.

Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière, comme son titre l’indique, fait passer le lecteur de l’ombre à la lumière de l’univers de Pialat et nous fait découvrir ce maitre oublié, et il est certain qu’après avoir lu ce livre, on apprend à mieux le connaître. Les articles nous donnent envie de voir et revoir ses films. Tout au long du livre, on apprend beaucoup sur son univers,cela ne se fait certainement pas de manière didactique ou informative, mais de façon aussi poétique et littéraire que possible.

Outre la préface et la présentation, l’ouvrage se compose de 7 essais écrits par Jean-Max Méjean, Alexis Leroy, Hugo Dervisoglou et Jean-Michel Pignol. La préface de René Prédal est une bonne entrée et donne envie de passer au plat principal. Ensuite, nous découvrons le contenu du livre avec la présentation de Jean-Max Méjean. Voyons maintenant brièvement le contenu de ces 7 articles.

Le livre commence par « Images volées, pays dévoilé » d’Alexis Leroy, un article sur Les chroniques turques, une série de six court métrages méconnus de Pialat. L’article n’aborde pas seulement les films et leur fond. Il y est également question des liens inédits de ces six court-métrages avec d’autres œuvres de la filmographie de Pialat, du contexte et des situations vécues par le cinéaste avant et pendant le tournage. Dans le second texte, « Au commencement, il y eut les Lumière », Jean-Max Méjean tire des conclusions sur l’identité artistique de Pialat au travers ses films Sous le soleil de Satan et Van Gogh.

Dans l’article « Et après, il y eut le verbe et le son. Musiques et sons chez Maurice Pialat », Hugo Dervisoglou, analyse non seulement l’utilisation du son et de la musique dans les films de l’auteur en envisageant le concept de musicalité sous plusieurs angles, mais il parle aussi de la musicalité du langage. Jean-Michel Pignol, dans son texte, « La France et ses entrailles » évoque les liens politiques du réalisateur avec son pays et son peuple et le regard qu’il porte sur eux. On comprend que presque chaque film dans sa filmographie est une expression de ces liens. « Le vert paradis des amours enfantines… « évoque le thème de l’enfance et sa place incontournable dans les films de Pialat. Le temps et ses effets sur les personnages font partie des thématiques que nous aborderons dans la suite de notre article. « Vos désirs font désordre » traite de l’un des principaux thèmes de l’univers de Pialat, le désir sexuel. Soit un thème très humain, mais aussi l’un des sujets les plus importants du cinéma. Grâce à ce texte, on comprend mieux comment Pialat montre les hommes et les femmes et leurs désirs sexuels de façon unique. Et enfin « Alphabet du désir et désillusions » aborde un sujet similaire, mais alors que le texte précédent ne traitait que du désir sexuel, celui-ci parle plus largement du désir humain. Il aborde non seulement la projection de ce concept dans les films de Pialat, mais permet aussi de mieux comprendre l’originalité du cinéaste en expliquant les parallèles et les différences avec Jean Renoir et Céline dans le traitement du désir.

L’univers de Maurice Pialat est tellement multiple et vaste qu’il est impossible de le décrire en détail dans un seul ouvrage. Peut-être même pourrait-on écrire un livre sur chacun de ses films. C’est pourquoi cet ouvrage ouvre plusieurs fenêtres pour permettre d’explorer cet univers à travers des textes écrits sur des thèmes différents et à travers diverses perspectives. Ainsi, au lieu de décrire de manière didactique les films et le réalisateur, il donne au lecteur l’envie d’en découvrir davantage ; ce qui le rend unique et puissant. La filmographie de Pialat est comme une mosaïque esthétique, d’un côté on se retrouve dans « un réalisme libéral, moderne, post Nouvelle Vague, puis (dans) une nouvelle Qualité Française à la fois davantage littéraire et picturale »1. Si l’on regarde tous les films du réalisateur, on peut trouver un grand point commun en plus de la richesse esthétique : le thème du temps. Pialat ne traite pas le temps de manière ordinaire. S’il montre la relation entre le passé et le futur dans ses films, ce qu’il veut vraiment faire vivre, c’est « le présent ». Il ne traite pas ce thème de manière nostalgique, ce qu’il révèle en abordant différentes périodes de la vie humaine (Enfance nue, A nos amours, La Gueule Ouverte, etc.). Même si nous voyons ce qui est arrivé dans le passé, même si nous tournons notre regard vers le passé, nous ne le regardons pas avec mélancolie, nous ne le désirons pas. Le passé et l’avenir nous rappellent l’inévitable réalité, à savoir la mort, et c’est pourquoi les films de Pialat nous invitent à nous accrocher le plus possible au présent. Comme disait Godard « au cinéma, il n’y a que du présent qui ne fait que passer. » D’autre part, il nous renvoie les aspects les plus douloureux de la vie, en particulier la mort, et les réalités les plus pénibles de cette vie, dans leurs formes les plus nues. Mais il ne le fait pas avec pathos. En racontant ses histoires, il ne prend pas la place d’une autorité et il ne donne jamais de leçon ou de morale, ni n’essaie de manipuler le public. C’est pourquoi l’espoir et le désespoir s’entremêlent toujours, même dans ses films qui traitent des sujets les plus graves. Et bien que ces films soient plutôt sombres, ils se terminent généralement par un peu de lumière.

La raison principale en est que Pialat fait un cinéma « humain ». Il reflète la vie quotidienne le plus objectivement possible. En raison de ce rapport étroit avec la réalité, le côté documentaire de ses films est très fort. L’objectivité découle de l’honnêteté des personnages, quels qu’ils soient. Qui sait, on peut peut-être dire que Pialat est une personne très franche et que ses personnages lui ressemblent. A propos de ressemblance, on ne peut passer l’aspect autobiographique de ses films de Pialat. D’après ce que l’on sait, le réalisateur a eu une expérience de vie difficile. Dans certains de ses films, il incorpore directement cette expérience et indirectement dans d’autres. Ce côté réaliste se reflète non seulement dans le fond, mais aussi dans la forme chez cet auteur. Pialat filme la réalité de telle manière que même des lieux et des situations laids deviennent une beauté, un plaisir esthétique. Il utilise la caméra de manière si subtile que parfois nous ne remarquons même pas les longs plans-séquences employés. Ce naturel se reflète également dans les personnages et les points de vue dans la narration et même s’il peut y en avoir de multiple, il arrive toujours à rester objectif. Par conséquent, bien que les spectateurs puissent s’identifier au personnage, ils peuvent aussi regarder objectivement les situations dans lesquelles il se trouve. Il existe peu des cinéastes qui parviennent à cet équilibre.

En conclusion, nous pouvons dire que Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière, éclaire les œuvres d’un des auteurs les plus importants du cinéma français à partir d’angles d’approches de différents auteurs dans un langage original, simple et clair. C’est la force de cet ouvrage, qui peut être apprécié par divers types de lecteurs et qui permet à chacun d’apprendre et de ressentir quelque chose. Je recommande donc ce livre aux amoureux de Maurice Pialat comme à ceux qui ne l’ont pas encore découvert !

 

1 René Prédal, Préface, Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière

Maurice Pialat, de l’ombre à la lumière. Ouvrage dirigé par Jean-Max Méjean, préface de René Prédal. Paru chez l’Harmattan en décembre 2023.

https://www.editions-harmattan.fr/livre-maurice_pialat_de_l_ombre_a_la_lumiere_jean_max_mejean_rene_predal-9782336416793-78540.html

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