Le festival international de films documentaires Cinéma du Réel dissémine sa très riche programmation aux quatre coins de Paris, entre Le Centre George Pompidou, le cinéma MK2 Beaubourg, le centre Wallonie-Bruxelles, l’Hôtel de Ville de Paris, mais aussi plusieurs salles d’Ile-de-France. Tant de lieux pour un festival qui, depuis sa création en 1978 par la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, propose des films ethnographiques et sociologiques du monde entier.

L’événement est un moment privilégié pour la rencontre entre professionnels, cinéastes confirmés ou débutants, et le public, à travers de nombreux colloques, rencontres avec les cinéastes, débats et ciné-café. Cette année, pas moins d’une centaine de films seront présentés dans toutes les catégories, de la compétition internationale à la compétition française, mais aussi de nombreuses rétrospectives et programmes spéciaux. Des thématiques aussi variées qu’exigeantes, pour ces programmes offrant au spectateur des œuvres rares et parfois même inédites en France.

En témoigne le passionnant programme Pour une histoire de la « vue » : figures du tourisme, qui regroupe de nombreux films interrogeant les représentations photographiques, cinématographiques et mentales nées du phénomène du tourisme. L’enregistrement des images d’une partie du monde par une autre, fait ici l’objet d’une dissection de la part de cinéastes travaillant tant sur le statut de voyageur/touriste, que sur l’industrie touristique et ses conséquences sur les populations « visitées ». Le travail critique de certains artistes sur la fabrique des images touristiques et des « vues » de l’étranger, de l’autre, promet d’égratigner et de questionner des pratiques bien souvent perçues comme légitimes par les visiteurs occidentaux.

On pourra (re)découvrir les Vues Lumières, s’initier aux travelogues de Burton Holmes et de Julian Gromer, mais aussi s’égarer vers des films classés sous des thèmes aussi divers que croisières, voyages organisés, ou encore films d’hôtels, qui donnent le ton d’une programmation audacieuse et variée.

Le festival présente aussi un cinéma américain intransigeant et politique dans la section Americana. Dans les années 70, celle de la guerre du Vietnam et des droits civiques, le cinéma documentaire réagit et prend le pouls d’une société bouleversée. Peter Gesssner, dans Last Summer Won’t Happen (1968), enregistre par exemple les doutes et les interrogations d’activistes new-yorkais anti-guerres sur l’« après » mobilisation.

Cette année, un des jurés de la compétition internationale sera aussi à l’honneur, à l’occasion de la projection de deux de ses films, pour la première fois en France. Le réalisateur philippin Lav Diaz, dans Evolution of a Filipino Family (2004) et Death in the Land of Encantos (2007) scrute son pays, à travers l’évocation d’une famille philippine ou d’un poète revenu au pays après le passage du cyclone Reeming, dans deux documentaires d’une implacable précision. Un cinéaste à découvrir urgemment, qui traduit ses questionnements sur l’histoire de son pays par un cinéma documentaire d’entretiens, où se mêle parfois la fiction.

La programmation regorge encore de biens d’autres merveilles, comme la thématique Images/ Prison : Visions Intérieures, corpus de films réalisés par des détenus, pour un cinéma rare, celui de personnes ayant pour une fois la possibilité de montrer à ceux du « dehors », ce qui
les habite.

Loin d’être exhaustif, cet aperçu de la diversité des œuvres proposées par Cinéma du Réel, témoigne de la rigueur et de l’audace de la programmation de Marie-Pierre Duhamel-Muller. Un festival incontournable et exigeant !!