C’est par un gros plan sur la couverture du programme du Conseil National de la Résistance que débute le film. Un titre éclairé : Les Jours heureux par le CNR. Puis les mots se perdent dans l’obscurité tandis que d’autres sortent de la bouche de Sarkozy, présent il y a deux ans, en Haute-Savoie, sur le plateau des Glières, haut lieu de la Résistance. Une venue, un recueillement et surtout une conquête électorale ou l’arrivée d’un ver dans une pomme. Voilà à quoi pourrait s’apparenter la visite de l’ancien ministre de l’Intérieur, aux yeux de Walter.
La gauche se réjouira de la projection de ce documentaire, la droite crie déjà à l’amalgame avec, en tête de cortège, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale. Le député a voulu censurer le film. La séquence est farcesque et digne du Petit Journal Actu de Yann Barthès. Et forcément, le rictus trouve sa place au coin de la bouche de l’ex-résistant qui a vu, devant lui, de bien pires ennemis. Raccourci ou pas, le film de Gilles Perret a l’intelligence, en ces temps grippaux, de faire une piqûre de rappel historique. Les retraites par répartition, la sécurité sociale et la liberté de la presse sont nées de la volonté du CNR (Conseil national de la Résistance). Mais, à présent, la droite organise le sabotage de ces acquis.
Une fois ce constat établi, le nappage émotionnel trône et écrase la réflexion, condamnée à rester à l’état larvaire. L’ancien résistant est un voisin de longue date du réalistateur qui fait de lui le sujet central de son film. L’homme, octogénaire, est loin d’être un vieillard éreinté et inactif. Sa femme à ses côtés, il s’indigne quand il voit les infos évoquant la défenestration d’un sans-papier à l’arrivée de la police. Idem, au volant de sa voiture, les oreilles attentives au flash info. Le visage de Walter affiche une expression et sa bouche laisse échapper quelques mots, comme dans une conversation entre clients accoutumés d’un bar PMU. Le raisonnement fait malheureusement défaut, laissant place au ressenti.
Et cela se multiplie pendant le documentaire. Les arguments, même s’ils existent bel et bien, sont absents pour étayer un discours qui initialement était pourtant intéressant. Lorsqu’il sort de sa maison, l’ex- résistant parcourt les écoles pour transmettre aux jeunes générations son précieux témoignage et ses valeurs. Nécessaire quand on entend ce jeune élève lui demander « C’était bien la guerre ? »
Belle leçon de civisme, certainement. Mais parler de solidarité entre déportés, dans le paysage grillagé du camp de Dachau, auprès d’adolescents, n’empêchera pas forcément ces derniers d’avoir des affinités avec la droite. Ces futurs électeurs se positionneraient-ils pour autant contre les idées du CNR ? Rien dans le documentaire ne le suppose. Est-il possible, à la fois, de choisir les rangs de l’UMP et de partager les valeurs du CNR ? Un ancien résistant, aujourd’hui de droite, serait-il un OVNI ? Sur ce point, le film demeure muet. L’argumentation est absente et les documents d’archives manquent cruellement pour rappeler l’Histoire, même si Walter est, sans conteste, un précieux témoin dont le vécu, le mérite et le courage sont bien loin de laisser dans l’indifférence.
Ancré dans la politique, Walter, retour en résistance ne réunira pas tous les suffrages. Cependant, il éveille un questionnement pertinent sur l’évolution des acquis du CNR. Revenons, par exemple, sur la liberté de la presse qui, paraît-il, n’est pas en danger. Pourquoi donc la France recule-t-elle de huit places et occupe désormais le 43ème rang (sur 175) dans le classement mondial de cette liberté, selon le rapport de Reporters Sans Frontières ? Les critères retenus sont certes toujours discutables. La politique gouvernementale aussi. On pourra méditer tout cela avant les prochaines échéances électorales mais il y a gros à parier que ce documentaire, dont les fondations sont aussi épaisses que les cordes d’un violon, ne pourra hélas prêcher que des convertis.