Point de danse du ventre, aucune envolée philosophique ni intellect forcé. Desplechin filme des visages torturés et des mots cloisonnés. Toujours avec une rapidité d’exécution qui donne le vertige, qui prend le spectateur par les épaules et qui lui susurre à l’oreille des phrases salaces, des trucs immondes et des vérités dérangeantes. La beauté de ce cinéma rentre-dedans réside surtout dans une mise en scène qui ne peut que décoiffer les retardataires, les obligeant à se poser quelques minutes et à tenter de comprendre les raisons qui poussent Junon (une Deneuve royale) à vomir sur son fils Henri (magistral Amalric). Séquence qui restera comme l’une des plus cinglantes que le cinéma français ait produite depuis des décennies, même si son auteur avait déjà, dans Comment je me suis disputé, utilisé la férocité des mots et la raideur du jeu d’acteurs dans la séquence de la quincaillerie où Amalric et Thibaut de Montalembert conversaient sur les fellations et autres sodomies dans leurs rapports sexuels.
Un conte de Noël est une œuvre fondamentale dans la filmographie de Desplechin, car elle annonce une nouvelle ère, une nouvelle pensée chez cet auteur qui a toujours fait le même film et ce depuis La Sentinelle. Effectivement, plus de complots ni de capture d’écran d’un quotidien chez les bobos, mais toujours cette capacité à briser l’espace, à triturer les images, à étrangler ses acteurs par le biais d’un montage mordant et qui ne donne pas le temps de respirer. Le spectateur s’essouffle tandis que la narration dense d’Un conte de Noël tournoie dans son esprit. Toujours être attentif, ne jamais mordre la poussière et lever inlassablement la tête pour mieux cerner cette raison de vivre. Comme dans une soirée bien arrosée, il faut garder l’équilibre, ne pas se plier aux exigences des autres, défaut que seul Henri, personnage shakespearien, possède en son for intérieur.
Un conte de Noël sent les odeurs d’un bois pourri, rongé par l’ombre de la Mort qui plane au-dessus de corps élancés. Desplechin, une fois de plus, frappe fort et nous convie à une Party aussi vacillante que gracieuse. Comme disait le poète, What’s goin’on!