Un beau dimanche

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La lutte des classes par Nicole Garcia. Pas toujours subtil, mais touchant.

Baptiste (Pierre Rochefort) a une trentaine d’années, il vit seul dans le coin de Montpellier, occupe le métier d’instituteur remplaçant. Se poser, très peu pour lui, il change de poste tous les trimestres. Un soir, son élève Mathias est oublié par son père à la sortie de l’école. Baptiste le prend en charge pour la soirée, puis l’amène à sa mère, Sandra (Louise Bourgoin), serveuse en bord de plage empêtrée dans des problèmes financiers. L’alchimie se fait, la jeune femme a des créanciers à ses trousses, Il faut trouver 50 000 euros : Baptiste va l’aider, faisant remonter un passé douloureux au cours d’un dimanche ensoleillé dans une maison bourgeoise de la Méditerranée. Le nouveau film de Nicole Garcia en tant que réalisatrice brasse un vaste programme de non-dits, de blessures intimes et de lutte des classes, où la question de l’héritage – financier et familial – occupe une place centrale.

Un beau dimanche fait très peur dans sa première partie. Il y a que Nicole Garcia a la main lourde – d’un côté l’instit remplaçant à la cool, 1400 euros par mois, fumeur de joints et loup solitaire ; de l’autre la serveuse de bord de mer, forcément cagole, tatouages tribaux, cheveux gras et diction vulgaire. Le semblant d’intrigue policière qui entérine l’étude sociologique des affres de la classe défavorisée (une mafia locale castagne Louise Bourgoin et la menace de représailles) aide encore moins, ruinée par des séquences “polardesques” assez ridicules. Rochefort et Bourgoin sont pourtant plutôt convaincants, et le film trouve son ton dans sa deuxième moitié, lorsque Nicole Garcia oppose la working-class à la grande bourgeoisie – que, clairement, elle connaît bien mieux. Plus que la manière dont elle les confronte (là non plus, ce n’est pas toujours très adroit), c’est la conscience qu’elle en a qui offre au film ses meilleurs moments, surtout quand la chef de famille est incarnée par l’immense Dominique Sanda, qu’on n’avait pas vu au cinéma depuis une apparition dans Les rivières pourpres (2000).

 

C’est dans son personnage qu’il faut chercher la clef de voûte du film. Dans cette gigantesque bâtisse agrémentée d’un parc à l’avenant (qui rappelle fatalement Le Jardin des Finzi-Contini, l’un des grands rôles de Sanda), on ne voit bientôt plus qu’elle, matrone impériale qui régit autant qu’elle observe depuis trop longtemps les affaires de la famille. “A ceux qui me demandent de tes nouvelles, je dis que tu vis en Suède”, explique-t-elle à son fils qu’elle n’a pas vu depuis des lustres. “J’ai vieilli, tu as vu?", dit-elle à son fils en substance. Nicole Garcia convoque ici un beau fantôme de cinéma, évanoui depuis plus de dix ans et qui revient comme une évidence. L’occasion aussi, peut-être, de faire le point sur elle-même : Pierre Rochefort est le fils qu’elle a eu avec Jean Rochefort. Qu’il ait ici le premier rôle est un privilège, elle semble très bien le savoir : Baptiste a justement souffert d’une vie d’élitisme, et il est assez émouvant de le voir tenir tête à une femme fortunée, rigide mais aimante, pleine des contradictions de son rang social et de son statut de mère. C’est l’humble réussite d’Un beau dimanche, qui se détache une derrière fois des dorures pour revenir au front de mer : Sandra porte à nouveau son tablier de serveuse, elle est plus légère. Et pour justifier son absence, dans un sourire : “J’ai rencontré un garçon”.
 

Titre original : Un beau dimanche

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Durée : 95 mn


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