Rêve, « production psychique survenant pendant le sommeil, et pouvant être partiellement mémorisée ; représentation plus ou moins idéale ou chimérique de ce qu’on désire. »
Ultra, « au-delà, plus loin. »
Hallucinations
Difficile de trouver titre plus adapté à ces trois courts métrages qui forment l’Ultra-rêve. Sommeil, veille, fantasmes, souvenirs ou recréations, Caroline Poggi, Jonathan Vinel, Yann Gonzalez et Bertrand Mandico invitent à pousser les portes de ces mondes indifférenciés. Tout sera question de sensations au cours de cette plongée troublante dans ces psychés violentes et luxuriantes. Du jour à la nuit électrique, du terrain vague à la planète Mars, le voyageur halluciné rencontre des adolescents, des monstres et des spirites en traversant leurs mondes rêves ou cauchemardés. Une navigation à vue dans des espaces-temps flous, cotonneux ou criards, et très souvent érotiques. Tout a l’étrangeté, l’imprévisibilité du rêve mais aussi son aspect inquiétant pour ne jamais dire ni où ni quand.
Trois rêves
After school knife fight est une dernière fois. La dernière répétition d’un groupe de lycéens avant les vacances et les départs séparés vers les études et l’âge adulte. Ce qui aurait pu se passer, ce qui le pourrait encore, tout est suspendu pendant cette journée qu’ils aimeraient retenir. Le smartphone nous dit aujourd’hui, les habits comme la vieille polaire blanche nous disent années 90 et survient alors cette drôle de nostalgie du présent qui rend émouvant un vieux terrain vague pourtant déprimant.
La clairière fait ensuite place aux Iles. Ces îles seraient-elles chacun de ces personnages cherchant à former des archipels, en assassinant, en matant ou en s’échangeant des serments d’amour éternel ? La chambre y est un théâtre et la menace, juste un autre visage quelque peu monstrueux du sentiment amoureux. Chacun est tour à tour, ou en même temps, acteur et spectateur quand le lapin blanc que chasse Alice est ici le désir. Et quand tout finit c’est pour que tout recommence aussitôt.
Ultra Pulpe est la dernière étape, et de loin la plus étrange. Pour retarder la fin de la création et d’une relation amoureuse, Joy va raconter des histoires à Apocalypse. Des histoires d’actrices qui ne veulent pas vieillir, qui sont mortes ou peut-être pas. Les néons éclairent des mannequins enflammés dans une esthétique pop eighties de flipper tandis qu’une réalisatrice sulfureuse ne peut se résoudre à couper, en demandant toujours encore. Quant au singe aux yeux fluorescents, il est comme le cinéma, « gorille […] dont les ongles griffent. » Une griffure qui s’infecte et nous trouve contaminés à notre réveil.
On sort de cet ultra-rêve un peu sale et vulgaire, en état de somnambulisme tant la sortie des limbes est lente.