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U pour Unicorne, étymologiquement Licorne. U pour << you >>, toi, en anglais, l´âme soeur de Mona, cette princesse au petit pois, menant une vie de Cosette. Abandonnée dans son château en ruine, orpheline, elle n´a personne à part U ; si ce n´est deux rats avares et arrivistes. U, la licorne, symbole de bienveillance de la jeune fille vierge, a le pouvoir féerique de protéger Mona, tant qu´elle ne connaît pas l´amour. Or, vient le jour où Mona tombe amoureuse de Kulka, un chat musicien exubérant et délirant. Que va devenir U si Mona n´a plus besoin d´elle? Grandir est une aventure semer d´embûches, mais avec U, ce parcours initiatique devient une odyssée fantastique. Loin des contes manichéens, ce drame symbolique et poétique raconte aux enfants – ces adultes en puissance – la << vraie vie>>, sans hypocrisie. Il aborde les thèmes du basculement de l´enfance à l´adolescence, de la séparation, de la mort et de l’amour, avec humour.

Après leur premier court-métrage Loulou et autres loups, sorti en 2003, l´illustrateur Grégoire Solotareff et le réalisateur Serge Elissalde signent, à quatre mains, un film d´animation plein d´émotions. À l´heure du tout numérique, ce premier long-métrage ne s´en sert que pour mettre en valeur le trait artisanal des dessins, faisant écho aux couleurs chatoyantes de Gauguin et à la folie de Magritte. Couleurs pastels, crayons élancés, le croquis est brouillon, le résultat étonnant. Originalité assumée, puisque le spectateur, surpris, voire déçu de ne pas avoir sa dose d´effets spéciaux léchés, est ravi de voir autre chose.

L´inspiration graphique colle même aux propos narratifs. Les échos aux toiles de Rembrandt, Gauguin, Monet ou Vallotton traduisent par les variations de formes et de couleurs les bouleversements intérieurs des personnages. Et les dialogues, truffés de jeux de langage, semblent presque improvisés. Les acteurs interprètent avec ironie ces personnages chimériques : Isild Le Besco pour << le côté indolent de Mona >>, cette chienne princière qui admire ces jambes longilignes, Vahina Giocante pour << le côté cristallin de U >>, cette licorne presque trop parfaite, Bernadette Lafont << le côté maternel de Mama >>, ou encore Sanseverino pour le côté décalé de Kulka, le chat rockeur. << Cela a été trois mois de travail ininterrompu dans mon studio avec l'envie de coller vraiment au film >>, confirme le chanteur.

La musique originale de Sanseverino – un jazz manouche aux accents mélancoliques – parachève ce rêve magique destiné évidemment aux enfants mais aussi aux plus grands. Mélange de naïveté visuelle et d’hyperréalisme narratif, les dialogues regorgent de sous-entendus et de lapsus. Une double lecture sous-tend le film à chaque instant : la même réplique fait rêver les enfants, fantasmer les plus grands. Entre sens littéral et figuré, aucun n´est délaissé. Tel est le pari réussi de cet ovni dans le genre des films d´animation. L’intention de Grégoire Solotareff était de désigner un << drame psychologique pour enfants >>.

Pari réussi, il leur permet en effet d´intégrer la contrainte de la réalité, la séparation, la frustration, la perte de l´enfance, le désir de l´adolescence. Grégoire Solotareff confie: << Mes enfants m'ont souvent posé des questions sur la mort, sur la séparation, sur l'amour. Je n'ai jamais évité d'y répondre (...). La vie est la vie. On m'a souvent dit que ma manière de m'adresser aux enfants est un peu adulte mais les enfants ne sont pas des sous-adultes >>. Conte symbolique pour les adultes en puissance, et psychanalytique pour les enfants que nous sommes encore. Promis à une mort annoncée, il y a une vingtaine d’années, le cinéma d’animation français retrouve depuis une belle vigueur, aussi grâce à des ovnis aussi réussis que U.

Titre original : U

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Genre :

Durée : 75 mn


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