Drame intimiste sur les traces de Breaking Bad » et sous influence malickienne. »
C’est l’histoire des tours inattendus du destin, des choses que font, sans y penser, les gens acculés – “things people do” donc, et pour une fois, le titre adopté pour la sortie française est peut-être plus à-propos que l’original, After The Fall. C’est l’histoire de Bill, un père de famille bien sous tous rapports, qui perd son boulot du jour au lendemain et qui, un après-midi de désœuvrement, presque par hasard, se retrouve à braquer un couple pour lui soutirer un peu d’argent. L’affaire est facile, la tentation de recommencer grande : alors Bill se prend au jeu, choisit ses victimes, ici une station-service dont le gérant est un salaud fini ; là un garage où travaille un mécano sans scrupule. S’ensuite une double vie pour sauver les apparences (sa femme et ses enfants ne savent rien, même pas qu’il est au chômage), tandis que son amitié naissante avec un flic esseulé menace d’exposer son secret. Things People Do est le premier long métrage en tant que réalisateur de Saar Klein, monteur de son métier, qui a notamment œuvré chez Terrence Malick (La Ligne Rouge, 1999 ; etLe Nouveau Monde, 2005).
Bien moins lyrique que Malick, Saar Klein a pourtant bien été influencé par le cinéaste – de lui, il garde une grande attention aux détails, particulièrement dans les oppositions entre la société et la nature. Things People Do, de fait, est entièrement ponctué de plans larges et fixes, baignés dans une lumière terne, comme poussiéreuse, sur un environnement hostile (nous sommes au Nouveau Mexique), une nature qui semble grignoter sur la ville installée au milieu du désert. S’il n’a pas le même génie que Malick d’un point de vue de l’image, le sens du cadre est soigné, notamment dans la manière dont il filme l’eau, prépondérante, et ici représentative, par le biais d’une piscine, des privilèges banlieusards. La charge symbolique est malheureusement souvent trop lourde, à l’instar de la scène où, pour se punir de ses agissements, Bill remplit le bassin d’un trop-plein de corps, se brûlant le corps – acte d’auto-contrition qui résume le motif du film, à savoir la place de la morale dans la société et les tiraillements entre sens du devoir (ici, mettre sa famille à l’abri du besoin) et possibilité de la mise en application scrupuleuse de l’honnêteté dans une société corrompue.
L’argument est loin d’être neuf, mais le film s’en tire mieux sur ce terrain-là, grâce à l’interprétation solide de Wes Bentley – l’acteur, découvert dans American Beauty (2000), joue avec subtilité cet entre-deux invivable entre les apparences et le dedans, anti-héros absolu dont les conflits intérieurs se lisent sur un visage sans cesse paniqué bien qu’a priori impassible. Dans ses meilleurs moments, Things People Do évoque Breaking Bad : le lieu de l’action n’y est évidemment pas pour rien, la série de AMC se déroulant elle aussi à Albuquerque, mais le film partage la même inquiétude, la même trajectoire insensée de l’anonymat à la criminalité. Il n’a, bien sûr, pas le temps de déployer son ambition avec la même grandeur, et il trébuche en fin de parcours sur une ambiguïté qui désamorce ce qui faisait son intérêt. Reste une illustration plutôt fine de l’écartèlement moral d’un homme, pour qui le cauchemar pavillonnaire n’est pas la moindre des violences.
Avec « La peau douce », François Truffaut documente une tragique histoire d’adultère seulement conventionnelle en surface. Inspirée par un fait divers réel, la comédie noire fut copieusement éreintée au moment de sa sortie en 1964 par ses nombreux détracteurs; y compris à l’international. Réévaluation.
A l’entame des “swinging sixties” qui vont pérenniser la libération des mœurs, « la garçonnière » est un “tour de farce” qui vient tordre définitivement le cou à cette Amérique puritaine. Mêlant un ton acerbe et un cynisme achevé, Billy Wilder y fustige allègrement l’hypocrisie des conventions sociales et pulvérise les tabous sexuels de son temps. Un an après avoir défié le code de
production dans une “confusion des genres” avec sa comédie déjantée Certains l’aiment chaud, le cinéaste remet le couvert. La satire aigre-douce et grinçante transcende la comédie; défiant les classifications de genre.