The Women

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Moins cruel – et moins classe aussi – que le film original de George Cukor, ce remake dans le New York << botoxisé >> d’aujourd’hui fait tendrement sourire. Être une femme libérée, ça n’est pas si facile…

1939-2009 : force est de constater, même pour les plus indélicats des mâles occidentaux, que ces 70 années auront permis – non sans difficultés – aux femmes de s’émanciper ! De fait, si cette lente… reconnaissance fait plaisir à entendre, messieurs, elle semble encore plus convaincante à l’image, n’est-il pas ? L’idée d’utiliser en 2009 la matière d’une des comédies les plus brillamment misogynes de l’histoire du cinéma – Femmes, de George Cukor, datant de 1939 – pour évaluer ces changements, les entériner au fond, n’était donc pas absurde. De l’usage du 7e art comme reflet – passablement aiguisé – d’une époque…

1939-2009, donc. Même situation : un aréopage de petites princesses de Park avenue, à New York, plongées, peu ou prou, dans les affres de la chasse au mari, du ragot, de la rivalité femelle, et de la meilleure manucure (ça peut prendre la journée en effet). Même défi : un casting exclusivement féminin (Norma Shearer, Joan Crawford, Rosalind Russell hier ; Meg Ryan, Annette Bening, Eva Mendes aujourd’hui, et pas l’ombre d’un homme à l’écran, jamais). Même intention initiale : n’épargner rien ni personne… Soi-disant.

À l’origine

Charmeur, rythmé et fielleux, l’opus délicieusement suranné de George Cukor – à voir en DVD collection « Fnac – cinéma » – immerge durablement le spectateur dans un poulailler, caquetant à qui mieux mieux. C’est un tantinet épuisant, quand bien même sourd, à travers ces gesticulations vipérines, la formidable oppression à laquelle ces femmes de la « haute » étaient réduites. Certes, elles sont de tous les plans, castratrices, aguicheuses, gaffeuses, avec leurs pauvres ruses, mais elles sont aussi terriblement assignées (femmes au foyer et mères, s’investissant au mieux dans des œuvres de bienfaisance). Du coup, le portrait des hommes – en creux, mais l’on ne parle que d’eux – est tout aussi acerbe. C’est en cela que l’habile Cukor emporte le morceau (et par la beauté de son noir et blanc, aussi, rehaussé par une séquence irréelle de défilé de mode en technicolor). Cruel mais juste, donc classe au fond.

Retour vers le futur, entendez en 2009, avec The women de Diane English. De fait, ce remake emprunte et régurgite tous les codes de son époque. Mais de façon plus littérale et passive que son illustre prédécesseur… Rien de déplaisant, vraiment : juste le sentiment, in fine, que la charge de la satire s’est affadie (doit-on s’en étonner, l’ère actuelle lissant volontiers toute forme d’angles ?). Et que, donc, l’on se réjouit… aimablement.

Certes, des efforts notables de réactualisation du scénario ont été opérés. Le petit gynécée initial pense désormais en terme de carrière. Combinant – nanties de gouvernantes futées bien sûr – travail, enfants et philanthropie, puisque la superficialité désœuvrée des « Femmes » de 1939 aurait semblé moins crédible aujourd’hui. 70 ans après, elles sont donc styliste (à mi-temps), rédactrice en chef, essayiste, artiste. C’est dire si la complexité sociale du récit s’est enrichie… Sans blague : la seule petite transgression notable, qui sonne surtout comme une concession au politiquement correct et à la discrimination positive, c’est que l’une d’elles (personnage secondaire, faut pas pousser) est noire et lesbienne (oh my god !).

Esprit sitcom

Pour autant, ce qui frappe d’abord, bien avant cette « mutation identitaire » sur le fond, c’est la manière. La réalisation. Curieusement, quand c’est un homme (Cukor le misogyne) qui filme et dirige, le rythme et le découpage des scènes sont assez éblouissants. Rarement convenus. Frémissants et « froufroutants » pour tout dire. Raccord… Alors que lorsque c’est Diane English qui s’y colle, on est projeté au mieux dans l’univers clinquant de la sitcom de luxe : confer le générique d’ouverture qui ressemble à s’y méprendre à celui de la série « Sex and the city ». Cela se veut chic, ça n’est souvent que racoleur. Et déjà vu. C’est d’autant plus dommage – mais Diane English vient en effet de la télé – que sur l’histoire proprement dite, en revanche, la cinéaste propose une inflexion pas inintéressante.

The women possède une vraie bonne idée de scénariste. Plutôt que de tout centrer sur les problèmes de couple de Mary et Stephen Haynes, comme lors de la première version, Diane, gente dame et auteure, propose de décaler sa dramaturgie sur le concept, plus tendre mais plus riche, de l’amitié trahie. L’insupportable snob qu’était la Sylvia d’origine (Rosalind Russell, géniale tête à claques) s’est donc muée en Sylvie Fowler, executive woman pétrie d’humour, d’intelligence et de doutes, à l’aube de sa maturité fragilisée. Annette Bening excelle dans ce rôle d’alter ego au bord de la rupture avec sa meilleure amie (Mary Haines, donc, interprétée par la blondissime Meg Ryan). Bien sûr, en étoffant cette relation, Diane English se risque au sentimentalisme, à la psychologie de comptoir dont se régalent souvent les magazines féminins (et leurs lectrices). Autant d’écueils qu’avait su éviter le redoutable Cukor. Mais elle donne à voir, aussi, ce que peut être la véritable complicité – même menacée – entre femmes. S’extrayant de la sempiternelle rivalité que les hommes leur attribuent volontiers – en cela l’œuvre de Cukor est terriblement vieux jeu – elle propose rien moins qu’une alternative féminine aux nombreux films de « mecs entre eux » qui squattent le grand écran (pour les meilleurs, de Husbands à Reservoir dogs…). Démarche rare et somme toute ambitieuse.

1939-2009 : est-ce à dire que la véritable émancipation des femmes, en 70 ans, serait juste d’être capables de parler d’autre chose que des hommes lorsqu’elles sont entre elles ? Au fond, d’échapper à leur regard et à leur formatage ? Pas sûr. Car comme toujours au cinéma, volontairement ou pas, il y a le champ et le hors champ, le dit et le non-dit. Or ici, quand on voit, par exemple et tout bêtement, les ravages du botox et de la chirurgie esthétique sur l’adorable Meg Ryan, on doute hélas que la tyrannie du mâle – via celle des apparences – ait été tout à fait jugulée. En tout cas à Hollywood. Allez, George et les autres, hier comme aujourd’hui, ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile…

Titre original : The Women

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Durée : 113 mn


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