The Last Show (A prairie home companion)

Article écrit par

La question ne peut s’empêcher d’être posée. Décédé juste avant la sortie française de The Last show, Robert Altman a-t-il choisi le titre de son dernier film comme une forme d’adieu au public ? Est-il l’indice d’une œuvre qui aurait une vocation testamentaire ? Et bien non, surprise, car c’est la production française qui en […]

La question ne peut s’empêcher d’être posée. Décédé juste avant la sortie française de The Last show, Robert Altman a-t-il choisi le titre de son dernier film comme une forme d’adieu au public ? Est-il l’indice d’une œuvre qui aurait une vocation testamentaire ? Et bien non, surprise, car c’est la production française qui en a fait le choix. Le réalisateur s’était même déjà engagé sur un autre projet dont le tournage devait débuter dès ce mois janvier. Le titre original, A Prairie Home Companion, est le nom d’une célèbre émission musicale radiophonique nous arrivant tout droit du bon vieux middle-west américain si cher à Altman, ce natif du Kansas, et dont il nous propose ici une transposition romancée à l’écran.

Mais si ce film ne constitue pas un testament cinématographique, il en contient néanmoins de nombreuses traces. The Last Show se donne en effet à voir comme le témoignage d’une fin de carrière imminente. Pour ce faire, Altman est parti d’une histoire à la fois simple et complexe. Dans la lignée de ses films choraux les plus connus, tels que Nashville (1975), M*A*S*H (1970), Short Cuts (1995), ou encore Prêt-à-porter (1994), le cinéaste choisit de s’attacher en premier lieu à des personnages ou des situations plutôt qu’à une intrigue en particulier. Organisée autour d’une trame commune, ici l’ultime show d’une troupe qui œuvre depuis trente ans pour la même radio régionale, la cimentation scénaristique est de fait assurée.

Ainsi, avec autant d’éclat que de raffinement, Altman va tour à tour s’attacher à révéler et développer les préoccupations de chacun de ses personnages, leurs angoisses, ou non, d’arriver au terme d’une émission qui les aura fait vivre, rire et pleurer, des années durant. Si chère à leur cœur, les réactions des uns et des autres sont différentes. En cela, The Last Show est comme un miroir de l’âme humaine face à sa précipitation vers l’inconnu, le néant. Car évidement tous ses personnages n’ont jamais remis en question l’existence de cette émission, sa longévité extraordinaire. Dans ce théâtre où ils enregistrent chaque semaine, le temps s’est arrêté nous dit le narrateur, Guy Noir, un des personnages de la troupe. Chacun vit dans l’illusion que la société qui les entoure est à l’image de leur naïveté et des bons sentiments qu’ils expriment sur scène. Tous ces gens fuient l’idée d’une fin, d’une mort, et se réfugient pour cela dans le passé, des valeurs, et une culture musicale folklorique qu’ils ont en commun avec leur public.

La projection du film sera donc une épreuve pour tous ceux que la musique country repousse. Elle est omniprésente ! Faisant en ce sens écho à Nashville, sorti quelques trente ans plus tôt (penser à la longévité de l’émission radio), dans le choix de cette histoire ainsi que son traitement, Altman agit donc comme ses personnages en faisant lui aussi référence au passé. Serait-ce donc ses propres angoisses que le cinéaste projette sur eux ? La question ne peut être résolue en quelques lignes et ce mystère, finalement précieux, rend son film plus savoureux encore. Rarement Altman aura fait preuve d’autant d’empathie envers ses personnages. Le rapport parait fusionnel. Ils ne sont pas parfaits car grossiers, maladroits, ou encore habités par des idées morbides, mais leur humanité et leur sensibilité planent sur le film comme un doux parfum flottant dans les airs.

Poignant, émouvant, amusant aussi, The Last Show, sorte de conte sorti tout droit d’une époque que l’on pensait révolue, s’adapte en tous cas parfaitement à tout spectateur sensible aux thèmes qu’il développe. Génial critique de la société américaine dans la majorité de ses films, dans le dernier, Altman inverse donc la tendance pour se réfugier dans des valeurs positives et fédératrices. Mea culpa ou non de son ton parfois plus qu’acerbe, pensez à The Player (1992) ou encore Short Cuts (1995), il conclut donc sa carrière par une déclaration d’amour sincère célébrant le désir d’unité et l’attachement à son pays.

Titre original : A prairie home companion

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 100 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…