The Island, c’est donc l’île sur laquelle Daneel et Sophie passent leurs vacances orageuses, mais aussi celle dans laquelle l’on peut rapidement s’enfermer, si l’on n’y prend pas garde. L’idée n’est pas dénuée d’intérêt, mais ne se développe jamais totalement. Car il y a au moins trois films dans le long métrage de Kalev, qui découlent les uns des autres mais ne se répondent que rarement : l’avant-voyage, à Paris ; le séjour sur l’île ; et l’après, à Sofia. De l’après, on ne dira rien, si ce n’est qu’il témoigne bien de la quête identitaire de Daneel d’une manière aussi absconse que quasi douteuse, et renvoie le personnage de Lætitia Casta, pourtant pleinement convaincante, à un triste rôle de faire-valoir. C’est sur l’île que se déploie les meilleurs instants du film, quand Kamen Kalev arrive à distiller une inquiétante étrangeté, par le biais des rêves de Daneel notamment, et installe son personnage dans une isolation croissante qui s’apparente de plus en plus à de la folie. Mais, alors même que Kamen Kalev aimerait faire tomber les frontières entre rêve et réalité, tout est trop littéral pour qu’on y adhère tout à fait : le comportement inhabituel des habitants de l’île n’arrive pas à faire croire au danger ressenti par Daneel, par exemple, tout comme on reste étranger au choix final de Sophie, proche du ridicule.
A mille lieues du très beau Eastern Plays, The Island finit de sombrer dès qu’il se nimbe d’une certaine dose de mysticisme qui lorgne vers Tarkovski, sans jamais justifier aucune de ses intentions. La croyance de Kamen Kalev selon laquelle chaque individu serait constitué de personnalités multiples, et que quand on aime, c’est avec elles toutes qu’il faut composer, était plutôt juste. Malheureusement, ni les dialogues, ni l’observation du délitement du couple, ni la montée de l’angoisse ne sont traitées avec la hauteur qu’il leur faut. C’est du côté de l’image qu’il faut chercher les quelques qualités de The Island, et notamment des couleurs : soigneusement calibrées, ce sont finalement elles qui reflètent le mieux les trois niveaux du film, d’abord sobres pour signifier le sentiment de normalité, puis plus saturées dès que la folie pointe. Kamen Kalev vient de la pub : c’est peut-être là que résident ses meilleurs atouts.