Sur ta joue ennemie

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Un film en quête d´ampleur pour un scénario relativement exigeant, « Sur ta joue ennemie » prouve que le drame psychologique français est parfois loin d´être à la hauteur de nos espérances. A voir par simple curiosité…

Sur ta joue ennemie traite un sujet casse-gueule. Premier long-métrage de fiction de Jean-Xavier de Lestrade, documentariste de formation, le film repose sur un horrible fait divers, tiré d’une histoire vraie : un adolescent d’une quinzaine d’années se voit condamné à 13 ans de prison pour avoir assassiné sa famille à coups de fusil, en toute lucidité. Prenant le judicieux parti de ne pas montrer dans quelles circonstances le drame s’est déroulé, le récit du film débute à la sortie de prison du personnage principal.

Le mérite de De Lestrade, c’est de ne jamais chercher à expliquer le drame dont son film se nourrit. Ne comprenant pas lui-même les raisons qui l’ont amené à commettre le parricide, le personnage, constamment, est dans le flou et le spectateur, du coup, l’est également. On ne peut plus ambigu, le film s’accroche aux agissements d’un personnage relativement ordinaire en apparence, mais qui, dès le départ, est présenté comme un dangereux criminel. Echappant au piège de l’accusation moralisatrice, le film tente de brosser un portrait juste et objectif d’un individu en marge de la société et vraisemblablement dénué de la moindre compassion.

Le drame de Sur ta joue ennemie ne renvoie pas au meurtre proprement dit, mais à ses conséquences psychologiques. De même que dans le fait divers à l’origine du film, le jeune homme a bien tué son père et sa mère, mais n’est pas parvenu à porter le coup fatal à sa sœur. Lorsqu’il sort de prison, le protagoniste n’a donc qu’une seule idée en tête : retrouver la jeune femme et s’efforcer de renouer avec elle. Assez subtil et bien mené, le scénario (que l’on doit au célèbre Gilles Taurand, scénariste de Téchiné, du Temps Retrouvé de Raoul Ruiz, de 24 Heures de la Vie d’une Femme de Laurent Bouhnik et de La Belle Personne de Christophe Honoré) a pour principe moteur le rapprochement impossible de deux personnages à la recherche de leur humanité.

Il est fort dommage qu’à partir d’un tel scénario, le cinéaste peine à poser le style qui lui permettrait de mettre en valeur les caractéristiques psychologiques des différents protagonistes. Tel qu’il est traité par la mise en scène de De Lestrade, le récit met le spectateur en prise avec des personnages manipulés du dehors. Bien trop stable pour faire ressortir le tumulte intérieur et pas assez fixe pour scruter les agissements pour eux-mêmes, la caméra, pour l’essentiel, se contente d’encadrer le drame et de lui fixer des limites on ne peut plus prévisibles et contraignantes.

Sur ta joue ennemie manque cruellement d’air et de fluidité : la psychologie brodée par le film semble pivoter sur un axe par trop instable et relativement confus. Eparpillés ici et là, les sentiments et les pulsions éprouvés par les personnages ne parviennent pas à faire vivre le drame dont il est question. A l’ambiguïté suscitée par le scénario se substitue une imprécision généralisée. Difficile par conséquent de croire en ce qui se déroule. Les situations dépeintes paraissent ne pas raccorder entre elles et, gelées par une approche mi-figue mi-raisin, finissent par constituer des séries de tableaux sans véritable accroche légitime.

D’une facture relativement pauvre et peu engageante – malgré les remarquables efforts des acteurs, Sur ta joue ennemie, simple mélodrame, aurait largement gagné à être plus sensible et affiné.

Sortie le 3 décembre 2008

Titre original : Sur ta joue ennemie

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Durée : 111 mn


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