La trame initiale du récit est audacieuse et glauque à la fois. Loin d’un souhait de vengeance, Eve veut reprendre sa place, veut retrouver l’amour d’un père. Ambition surprenante à première vue, ce personnage porte pourtant une dualité qui confère au mystère et à la crédibilité. Dès le début du film, Eve s’immisce chez les autres et perpétue cela grâce à son travail de boulangère itinérante qui s’inscrit parfaitement au personnage, à son âge et à la saison estivale. Car avant d’atteindre son but, elle parcours l’univers des autres, contournant l’intention première, et redécouvrant son corps face à celui des autres de tout âge. (un bébé, une grand-mère, des jeunes). Parcours initiatique jusqu’à son point de chute, ces rencontres intermittentes sont les bienvenues mais loin d’être satisfaisant est la place accorder aux personnages secondaires qui la côtoient. Le couple de boulangers qu’il l’emploie n’interfère que très peu sur son chemin et la réalisatrice manque de les placer comme double du spectateur, cherchant la faille du personnage. Laissant son héroïne seule, éludant les confrontations possibles, (force motrice on s’en doute), Juliette Garcia perd non pas en caractérisation mais en évolution, action et réaction de Eve. Cette focalisation sur le personnage féminin contribue plus précisément à l’effacement du rôle du père (Bruno Todeschini). La scène de réunion témoigne ainsi d’un manque d’aboutissement du scénario et d’un dénouement réconciliateur pour Eve, audible, marquant d’une empreinte, à son tour, son passage. Alors que la parcimonie des mots amplifiait le trouble et le malaise de certaines scènes, les dialogues de cette rencontre sonnent faux et le souffle s’évanouit.
Laissant sur sa faim, Juliette Garcia relève pourtant le défi ardu d’inscrire l’attente, le latent, le temps qui passe ou les petits instants dans la durée du plan. Récit vif et concision narrative, Sois Sage est une premier film à-moitié convaincant.