Sois Sage

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Ce premier long métrage de Juliette Garcias révèle un travail et une logique formelle ambitieuse mais ne saurait convaincre entièrement sur le fond.

Le thème de l’inceste est souvent étudié au cinéma voire dans d’autres domaines artistiques, ou toujours frôlé, constituant les bases d’une caractérisation familiale fragilisée. Dans Sois Sage, Juliette Garcia entraîne son héroïne sur les pas de son père, ayant commis l’acte irréparable. Au lieu de s’ appesantir sur les réactions larmoyantes et la colère, la réalisatrice de ce premier long métrage interpelle par le portrait d’une jeune fille victime, déterminée, trouble et mythomane. Pierre angulaire du récit, l’interprétation maîtrisée d’Anais Demoustier porte le film et confirme une actrice talentueuse.

La trame initiale du récit est audacieuse et glauque à la fois. Loin d’un souhait de vengeance, Eve veut reprendre sa place, veut retrouver l’amour d’un père. Ambition surprenante à première vue, ce personnage porte pourtant une dualité qui confère au mystère et à la crédibilité. Dès le début du film, Eve s’immisce chez les autres et perpétue cela grâce à son travail de boulangère itinérante qui s’inscrit parfaitement au personnage, à son âge et à la saison estivale. Car avant d’atteindre son but, elle parcours l’univers des autres, contournant l’intention première, et redécouvrant son corps face à celui des autres de tout âge. (un bébé, une grand-mère, des jeunes). Parcours initiatique jusqu’à son point de chute, ces rencontres intermittentes sont les bienvenues mais loin d’être satisfaisant est la place accorder aux personnages secondaires qui la côtoient. Le couple de boulangers qu’il l’emploie n’interfère que très peu sur son chemin et la réalisatrice manque de les placer comme double du spectateur, cherchant la faille du personnage. Laissant son héroïne seule, éludant les confrontations possibles, (force motrice on s’en doute), Juliette Garcia perd non pas en caractérisation mais en évolution, action et réaction de Eve. Cette focalisation sur le personnage féminin contribue plus précisément à l’effacement du rôle du père (Bruno Todeschini). La scène de réunion témoigne ainsi d’un manque d’aboutissement du scénario et d’un dénouement réconciliateur pour Eve, audible, marquant d’une empreinte, à son tour, son passage. Alors que la parcimonie des mots amplifiait le trouble et le malaise de certaines scènes, les dialogues de cette rencontre sonnent faux et le souffle s’évanouit.

Laissant sur sa faim, Juliette Garcia relève pourtant le défi ardu d’inscrire l’attente, le latent, le temps qui passe ou les petits instants dans la durée du plan. Récit vif et concision narrative, Sois Sage est une premier film à-moitié convaincant.

Titre original : Sois Sage

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Durée : 91 mn


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