Déjà porté à l’écran en 1989 par Mary Lambert, avec Stephen King lui-même aux manettes du scénario, Simetierre revient réalisé cette fois par le réalisateur Dennis Widmey, quelques temps après une adaptation à succès d’un autre roman du maestro de l’inquiétante étrangeté, Ça (Andrés Muschietti, 2017). Ce long métrage évitait le recyclage et se distinguait par sa noirceur oppressante faisant ressentir l’atmosphère du livre. Ce n’est pas la sensation que l’on a face à Simetierre, qui peine à s’extirper de l’empilement des figures, motifs et ressorts du genre et de l’œuvre d’origine.
Cartographie attendue
Le film s’ouvrait pourtant sur une séquence plutôt prometteuse. Depuis le ciel, la caméra survole dans un plan d’ensemble une forêt de sapins trouée par une clairière, et une bâtisse en flammes. Suivant la trajectoire de la caméra qui descend progressivement, le regard embrasse une atmosphère d’apocalypse et un champ de bataille vide de toute âme humaine, avec des traces de sang sur un poignet de porte, afin d’attester de la violence des événements. Cette ouverture sèche aplanie par l’image numérique provoque un certain malaise. La séquence annonce le rembobinage narratif qui va suivre. Celui d’une famille canonique américaine, composée de Louis Creed (Jason Clarke), de sa femme Rachel Creed (Amy Seimetz) et de leurs deux enfants Ellie (Jeté Laurence) et Gage (Hugo Lavoie), qui, lassés de leur rythme de vie bostonien, s’installent dans le Maine, dans une maison au fond des bois qui jouxte un cimetière pour animaux, espérant y retrouver du calme. Les dés sont jetés, la cartographie repérable, avec ses figures (la famille américaine, le voisin patibulaire), ses motifs (des événements inquiétants, les cauchemars de traumas qui reviennent hanter l’un des personnages, etc) et son territoire (la maison isolée, le cimetière).
Farce faustienne
Le noeud dramatique de Stephen King au coeur de l’adaptation est celle d’une miraculeuse résurrection promise pour les animaux enterrés sur l’amas sordide du cimetière près de la maison des Creed. C’est ce que Jud (John Lithgow), voisin des Creed, vieil homme un peu inquiétant, apprend à Louis lorsque celui-ci lui fait part de la tristesse de sa fille à la mort de son chat. Ce qui pousse le père de famille à ouvrir la boîte de Pandore et à transformer leur nouveau lieu de vie en un étau empoisonné par d’obscures forces désaxées. Bientôt, leur fille Ellie meurt renversée par un camion et Louis s’enfonce de manière irréversible dans son pacte faustien à la donne épouvantable. Cette boucle faustienne qui propulse la famille dans l’horreur se traduit par une accélération dans les plans, une dynamique réelle dans son découpage, qui tient en haleine, et une série de fréquences acoustiques plus ou moins audibles et de plus en plus menaçantes. Le film s’enfonce dans ce champ magnétique qui, quand il menace de tourner à vide par manque de relief dans sa mise en scène, se tire à moitié de son mauvais pas en faisant de tout cela une farce grotesque. Un changement de registre bien senti mais qui ne réussit pas à rendre l’oeuvre plus convaincante.