Richard Fleischer

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Cette semaine, le Coin du cinéphile se penche sur un homme qui savait tout faire.

La politique des auteurs, figure de proue des jeunes turcs des Cahiers du Cinéma, aura grandement contribué à la reconnaissance de metteurs en scène dont on put dégager la singularité à travers un univers, des thématiques et motifs visuels récurrents. Si cette approche fut un salut pour un Hitchcock, injustement rangé parmi les amuseurs honnêtes par la critique américaine, elle fit un grand tort à d’autres grands réalisateurs comme Robert Wise ou celui qui nous concerne aujourd’hui, Richard Fleischer.

Fleischer est tout l’inverse d’un auteur dans le sens péjoratif du terme, c’est-à-dire voyant le film comme un véhicule permettant de se mettre en avant au-delà de ce qu’il y a à raconter. Au contraire, Fleischer, élevé à la dure école de la série B à la RKO, y aura appris à emballer ses histoires avec la plus grande efficacité, les budgets microscopiques l’obligeant à aller à l’essentiel et sans fioritures. Il y développera cet art du conteur où tous les efforts seront mis au service de l’histoire qui doit être servie du mieux possible et derrière laquelle il doit s’effacer. Cette méthode paiera dès ses années d’apprentissage avec des classiques du polar comme L’Énigme du Chicago Express (1952) ou Armored Car Robbery (1950). Il ne fonctionnera pas autrement lorsque les budgets seront ceux des superproductions de studio, naviguant entre des genres aussi divers que la SF alarmiste (Soleil vert, 1973), le péplum humaniste (Barrabas, 1962) ou l’aventure adaptée de Jules Verne (Vingt mille lieues sous les mers, 1954). L’ego n’a guère d’importance si le résultat est là et quand un John Huston jette l’éponge durant un tournage à cause de sa bouillonnante star George C. Scott, Fleischer reprend le relai, s’adapte et signe un grand polar crépusculaire avec le superbe Les Complices de la dernière chance (1971). Et lorsqu’il creusera le même sillon dans sa trilogie consacrée au serial killer (Assassin sans visage, 1949 ; L’Étrangleur de Boston, 1968 ; L’Étrangleur de la Place Rilington, 1971), cette inventivité mettant en valeur le récit de la manière la plus adéquate éclatera au grand jour dans une recherche formelle toujours à bon escient. Pas un auteur ni un faiseur, juste un très grand cinéaste.

Bonne lecture avant le dernier Coin du cinéphile de la saison consacré à Krzysztof Kieślowski.

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