En commençant par un cycle Johan van der Keuken, les organisateurs ont choisi de mettre à l’affiche un classique car le Hollandais – disparu en 2001 – même s’il est sans doute encore relativement méconnu du grand public en France, est un documentariste très important. Influencé à ses débuts par le Alain Resnais de L’Année dernière à Marienbad (1961) et Muriel (1995) puis par Chris Marker, Keuken a marqué son art par l’originalité de son approche et par sa conception très personnelle des différentes étapes de la fabrication d’un film. Ainsi déclare t-il en 1998 (revue Bref) : « Comme dans la vie, il faut à la fois des redites, des choses évidentes et des choses mystérieuses. » Il écrit aussi en 1985 dans un article intitulé Le cinéma selon van der Keuken, alors qu’il s’exprime sur l’étape du tournage, que « la part d’intuition est énorme ». Mais cette intuition, ne nous trompons pas, n’est pas que pure inspiration, elle est aussi le résultat d’un long travail préalable au tournage, de réflexions constantes sur le filmage… L’oeuvre du « Hollandais planant » (Serge Daney) se conjugue à tous les formats mais peu importe la longueur de la pellicule qu’il emploie, ses films ont un charme si particulier qu’ils ne peuvent pas être confondus avec le travail d’un autre artiste. Denis Gheerbrant, documentariste et admirateur de Keuken, parle d’un choc, d’un éblouissement lorsqu’il visionna La Jungle plate (1978) : « Une voix douce et ferme nous accompagnait, des images au contenu hétérogène s’enchainaient par la grâce d’analogies formelles. »…
Ainsi toute l’œuvre de Keuken est en perpétuel mouvement et c’est bien à un voyage prolongé à travers cette œuvre – dont Luc Dardenne déclarait que « chaque film (vu) est une expérience de la descente-remontée-traversée des couches et des horizons du regard, expérience d’une visite, d’une errance, d’un égarement » -, à laquelle nous invite dés la semaine prochaine le Centre Pompidou et la cinémathèque du documentaire. Gageons que ce premier cycle plein de promesses soit la rampe de lancement idéale de ce nouveau pôle de découvertes de documentaires venus de tous les horizons, en accueillant un public nombreux dans les salles de ce haut lieu parisien de la culture qu’est Beaubourg.
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