Rencontre-projection « Création sous tension – L’auteur, un combattant ? »

Article écrit par

Rencontre-projection au Cinéma Max Linder le 20 octobre 2016 avec quatre auteurs israéliens.

Sous l’égide de la SACD avait lieu le jeudi 20 octobre une rencontre-projection avec quatre auteurs israéliens sur le thème : "Création sous tension – l’auteur un combattant ?". Sujet judicieux, s’il en est, le thème de cette rencontre nous rappelle avec force, dès son énoncé, la spécificité du cinéma israélien qui par essence est travaillé par la guerre. Et notamment par sa guerre intérieure, celle que l’on nomme le conflit israélo-palestinien. Dans un pays en état belliqueux permanent, ce n’est rien de dire que toute création doit se faire sous tension. De là à envisager que l’auteur est forcément un combattant, il y a un pas que nous ne franchirons pas forcément étant donné que cela supposerait une prise de position politique, un engagement. Or curieusement les deux œuvres projetées avant la discussion ne sont pas à proprement parler des films engagés quand bien-même leur teneur est forte et parfois même très impressionnante.

Il y eut d’abord la projection de Bethléem (2013), premier long métrage de Yuval Adler, qui a déjà eu un succès international notamment dans de nombreux festivals. C’est un thriller sur la relation entre un agent des services secrets et son jeune indic palestinien. Puis, en deuxième partie, la projection du premier épisode de la série d’Avi Issacharof, Fauda (« chaos » en arabe), lancée en février 2015 en Israël et qui y connaît depuis une grande renommée. Nous suivons une équipe « action » des services secrets israéliens (le Shabak) qui traque un activiste du Hamas en Cisjordanie. Le scénario est calqué sur la réalité – comme dans Bethléem d’ailleurs. Fauda relate précisément les méthodes d’infiltration de l’armée israélienne pour éliminer un adversaire. À en juger par son premier épisode, on comprend l’engouement que la série suscite en Israël. Les actions « commando » sont ultra-crédibles et l’effet de réel est augmenté par le fait que la plupart des dialogues sont en arabe. Série haletante, Fauda est donc une incontestable réussite qui ne devrait pas continuer longtemps à être réservée au public israélien, en témoigne la prise de contact de distributeurs présents à la rencontre de jeudi dernier avec la production de la série. Mais ces films, aussi libres soient-ils – parce qu’ils montrent tous les belligérants dans leur complexité, qu’ils soient palestiniens ou juifs -, prennent-ils vraiment position, politiquement parlant s’entend ?

 

 
Bethléem,
Yuval Adler
 

Il y a des strates dans l’engagement, des degrés. Ce qui est incontestable, c’est que les cinéastes et scénaristes présents à cette rencontre ont la volonté et le courage de ne pas être binaire dans leur évocation du conflit. En montrant les sales méthodes des israéliens d’un côté, les kamikazes palestiniens de l’autre, c’est à un compte-rendu clinique de la situation qu’ils se livrent mais pas seulement. Ils affirment aussi qu’une humanité existe de chaque côté, qu’une fraternité peut exister. C’est déjà bien.
Mais si Fauda et Bethléem sont passionnants, entre autres par l’idée très réaliste qu’ils nous donnent de ce qui se passe aujourd’hui en Cisjordanie, ils ne sont pas pour autant des films politiques dignes de ce nom comme l’est, par exemple, Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin (2015), le dernier film d’Amos Gitai qui, lui, prenait alors vraiment position, avec sa classe habituelle, contre ceux qui ont rompu et continuent de briser en mille morceaux la paix.

Les intervenants :

Pour Bethléem :

Yuval Adler (réalisateur)
Ali Waked (scénariste)

Pour Fauda :

Avi Issacharof (créateur et scénariste)
Leora Kamenetzky (scénariste)
Laëtitia Eïdo (actrice)


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.