Queen and Country

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John Boorman revient avec une tragi-comédie so british en forme d´hommage au cinéma

« Oooh ! Whoops !
I’ve got your number ducky.
You couldn’t afford me, dear. 2 – 3 »
(1)

L’armée britannique a bien du mal à rester crédible une fois que l’on a vu ce sketch des Monty Python. Et John Boorman a tout l’air de mettre ses pas dans les démarches stupides de la troupe britannique dans les premiers moments de son dernier film. Cela faisait un moment que le réalisateur britannique s’était absenté : quatorze années se sont écoulées depuis Le Tailleur de Panama (Tiger’s Tail, 2001), sorti en 2006 étant toujours inédit en France. Présenté durant la dernière Quinzaine des réalisateurs, Queen and Country marque donc le retour de ce cinéaste éclectique, capable d’aller du survival (Délivrance, 1972) au film d’horreur (L’Exorciste 2 : l’hérétique, 1978), ou aux films écolo-épiques (Excalibur, 1981, La Forêt d’émeraude, 1985).

 

Comme pour Hope and Glory (1987), inspiré de sa propre enfance en Angleterre durant le Blitz, John Boorman emprunte à sa propre vie pour écrire Queen and Country. Ce film est inspiré de faits réels. Entre autres. 1952, la guerre contre la Corée a débuté il y a deux ans, résultat d’un duel entre le camp des communistes et celui des capitalistes, comme le résument très vite certains journalistes ou hommes politiques. Bill Rohan, 18 ans, alter ego fictionnel du réalisateur, n’est d’aucun camp. Plus insulaire encore que les britanniques, séparé du monde extérieur par quelques coups de rame, il est bien loin de la guerre, et pourrait même croire qu’elle l’a oublié, là, sur la petite île tout droit sortie d’un roman de Jane Austen où il a grandi. Mais il est appelé pour faire ses classes dans un camp d’entraînement, durant deux ans. Pas de corps à corps meurtriers pour lui, il sera chargé d’apprendre aux futurs soldats à taper à la machine. Ceci n’est donc pas un film de guerre, mais ce n’est pas non plus le remake anglo-saxon de Populaire (Régis Roinsard, 2012).

 

Le cinéma, la fiction, Bill connaît tout cela depuis son enfance grâce aux studios de cinéma de Shepperton qui se trouvent tout à côté de chez lui : un monde où tout devient possible, où l’on peut même se faire le plaisir de tuer dix fois le même nazi. C’est aussi grâce au cinéma que Bill se liera d’amitié avec Percy en empruntant des répliques aux films noirs et tombera amoureux d’Ophelia, à la blondeur et au chignon hitchockiens, comme dans une comédie romantique. Ophelia, baptisée ainsi par Bill, est une créature éthérée presque irréelle, mélancolique, qui semble déjà prête à se laisser emporter par le courant, coiffée d’une couronne de fleurs. Tout le contraire de Sophie, la jeune infirmière peu farouche croisée pendant un concert, et qui ne demande qu’à être séduite et plus si affinités sans jamais en faire un cas de conscience. Si la fiction est plus attractive et fascinante que la réalité (Ophelia passera même de l’autre côté de l’écran dans une scène aussi inattendue que drôle), la réalité, elle au moins, est palpable et concrète. Même s’il est parfois difficile de la regarder en face, car si la guerre reste hors-champ durant tout ce film tout de même plus proche de la comédie que de la tragédie, ses séquelles sont toutefois données à voir fugitivement. Sous l’humour et l’esprit potache affleure tout de même la gravité.

L’ensemble est charmant, notre côté fleur bleue ne demandant qu’à s’émouvoir devant la naissance du sentiment amoureux de jeunes gens (presque) bien élevés, mais lorsqu’on le regarde en repensant à la carrière de John Boorman, force est de constater que ce grand retour se fait en mode mineur (le climax n’est plus une descente en canoë dans des rapides, mais le vol d’une horloge dans une caserne). Film « d’époque », film sur sa propre jeunesse, et cependant jamais nostalgique version sepia Instagram. John Boorman ne regrette rien et ne nous dit surtout pas que c’était mieux avant, d’autant plus que Bill et Percy se rebellent contre ce genre de discours. Queen and Country nous livre juste deux ans entre insouciance et prise de conscience, un film qu’il faut prendre pour ce qu’il est : une chronique sur le temps des premières amours, des grandes amitiés et de la découverte d’une passion, le cinéma.
 
 

(1 ) « Oooh ! Whooops !
J’ai ton numéro mon canard
Tu n’as pas les moyens de m’assumer, chéri. 2-3 »

Titre original : Queen and Country

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Durée : 115 mn


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