Puzzle

Article écrit par

Maria, femme au foyer, se découvre un don d’exécution rapide pour le puzzle alors qu’elle vient de franchir le cap des cinquante ans. L’occasion pour elle de se libérer. Mais le film reste emprisonné dans une écriture et des plans convenus, avec des chaînes écrasantes.

La cuisine, les assiettes qui s’entrechoquent et les allers-retours de Maria del Carmen dans la pièce. Elle n’est pas serveuse mais femme au foyer, entourée de son mari et de ses deux fistons à qui elle aura consacré toute son existence jusqu’à présent. A son cinquantière anniversaire, cette mère reçoit, parmi ses cadeaux, un puzzle. Vient alors la révélation : Maria est capable de rassembler les pièces à une  "grande" vitesse.(cette rapidité n’est vraiment pas flagrante à l’écran…). L’épouse, qui menait une existence si bien ordonnée, va tenter de faire entendre sa voix et son désir, celui de s’inscrire à une compétition de puzzles.

La réalisation du puzzle est évidemment à rapprocher de celle d’un film sauf qu’ici, les pièces manquantes s’accumulent. Le charme de la main plongée dans le sac de de jeu n’opère pas. En cause, cette succession lourde de gros plans sur le visage de Maria, qui enfile sa petite paire lunettes et ingurgite une infusion à la bergamote (digne d’accompagner la deux cent huitième rediffusion de L’Inspecteur Derrick) pour commencer l’exécution d’un puzzle. La réalisation du jeu est filmée un peu comme l’émission Des Chiffres et des Lettres, avec le rythme mollasson d’une tortue à l’article de la mort. Point de portrait pétillant et attachant d’une accro du puzzle en quête de liberté. Ici, on est bien plus proche de la vision d’une retraitée, bic aux lèvres, en train de chercher un synonyme d’ennui pour remplir sa grille de mots croisés sur papier journal jauni. La thématique de la construction, bien que pertinente, reste complètement inexploitée. La réalisatrice aurait pu embarquer sa caméra dans cet univers de joueurs de puzzles singulier (un peu à la manière de Zweig, capable de passionner tout récalcitrant au jeu d’échecs), ou du moins faire ressortir un côté ludique et mystérieux lié au déchiffrage, mais il n’y a absolument rien à décrypter, rien à voir, d’ailleurs.

Nathalie Smirnoff a voulu faire de son long métrage une métaphore de la création, mais c’est un échec. Le scénario semble moulé dans un cercueil, les personnages secondaires eux aussi. Les bouffées d’oxygène sont inexistantes. Puzzle multiplie les scènes d’intérieur pour symboliser la non-émancipation de son personnage principal, suggestion que la réalisatrice met en avant comme avec un gros surligneur baveux. L’accomplissement de Maria est traitée de façon extrêmement frileuse (avec une allusion à la reine Nefertiti dont le lien tombe comme une cheveu sur la soupe) et aussi transparente qu’une vitre après le passage d’un Ajax double power. La partie la moins affligeante est peut-être le premier quart d’heure, où la réalisatrice capte le personnage dans son statut de femme au foyer, à travers les ustensiles de cuisine et les bruits de la vaisselle clinquants. L’épanouissement de Maria ne se résume que par un plan, type réclame pour un fromage frais à l’ail et aux fines herbes, complètement miséreux.

La société Ravensburger pourra se réjouir de ce film qui lui offre un sacré coup de pub, certes plat, mais un coup de pub d’une durée d’une heure et demie pendant laquelle les boîtes de la marque ne cessent de défiler (au cas où l’on aurait perdu de vu le titre…) : ici le portrait de Nefertiti, ailleurs, le saut d’un dauphin dans une mer toute bleue ou la représentation d’un planisphère, grands classiques des représentations des puzzles qui n’auront même pas le pouvoir de nous plonger dans une certaine nostalgie de l’enfance. Mieux vaut laisser ces p’tits jeux d’emboitements dans le grenier…

Titre original : Rompecabezas

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 98 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.