Le séjour de Steve Butler dans la petite ville, en compagnie d’une collègue incarnée par la pétillante Frances McDormand, débute sous les meilleurs auspices. La crise économique s’avère son meilleur allié pour prêcher la bonne parole de son employeur, d’autant que Butler connaît sur le bout des doigts la règle du jeu : fausse empathie, promesses financières, voire corruption. Mais ce plan trop parfait se retrouve perturbé par l’hostilité d’un habitant, un vieil enseignant respecté de tous, ainsi que d’un militant écologiste qui fait son apparition de manière aussi impromptue que tapageuse. Joseph Krasinski, également co-scénariste, campe cet homme apparemment bien décidé à faire échouer les plans de Global, personnage d’autant plus central que la dramaturgie du film repose sur ses face-à-face avec Butler davantage que sur l’histoire d’amour, certes touchante au début, mais en fin de compte artificielle, entre Butler et une institutrice du village (Rosemarie DeWitt).
Promised Land s’attache moins à éclairer son spectateur sur les effets environnementaux de l’exploitation du gaz de schiste qu’à disséquer tout un réseau de manipulations et jeux de pouvoir. Du début à la fin, Steve Butler est une pièce maîtresse de cet échiquier pervers. La mise en scène est calculée pour que le spectateur partage son regard, ses atermoiements. Matt Damon livre une interprétation convaincante de ce personnage sensible, dont les doutes vont croissant et s’intègrent harmonieusement aux rouages d’un scénario à la fois limpide et subtil. Un des principaux mérites du film est de ne jamais céder aux facilités idéologiques, ni de juger ses personnages, quels qu’ils soient. Promised Land évite ainsi à peu près le piège du film engagé et trop politique, sourd aux complexités humaines au profit de sa seule cause militante.
Bref, si l’on s’en tient à des canons académiques, ce film s’avère de bonne facture. On lui reprochera surtout d’être par moments trop conventionnel, et de manquer de l’intensité, du dynamisme que méritaient ses enjeux brûlants. Or, il y a un autre hic. Le réalisateur de Promised Land est Gus Van Sant, l’auteur hypersensible et audacieux des magnifiques My Own Private Idaho (1993), Elephant (2003) ou Paranoid Park (2007). On ne peut totalement l’oublier, car la mise en scène multiplie les effets de signature, depuis plusieurs plans d’ensemble filmés en accéléré jusqu’au climat élégiaque distillé par certaines musiques folk. Or, Promised Land ne mène à leur terme aucune de ses promesses émotionnelles ou plastiques. Dans son avant-dernier film, Milk (2008), également militant, Gus Van Sant embrassait un sujet qui lui tenait à cœur – le combat politique gay – et, malgré le classicisme de la mise en scène, cette implication conférait au film une identité forte. Même s’il ne s’agit pas de contester la sincérité de l’engagement écologiste de Gus Van Sant, cette cause réveille visiblement moins de fibres intimes chez le cinéaste, ne stimule pas au même point sa créativité. Autant dire que, sans être déshonorant, Promised Land ne laissera probablement pas une trace inoubliable dans sa filmographie.