Film de territoires, Praia do Futuro se partage entre Brésil et Allemagne, entre l’avant et l’après ; le parallèle entre les lieux (on les quitte, on y arrive, on en repart) et le temps qui passe (tout est affaire de fantômes, de souvenirs laissés derrière soi) sert de ligne directrice, souvent trop chargée en symboles (lignes d’horizon floues comme avenir incertain, béton brut et terrains vagues pour dire la dureté du quotidien). Karim Aïnouz filme son pays natal – le Brésil – et d’adoption – il vit à Berlin – comme des lieux de mémoire, des endroits où disparaître ou renaître, au choix. C’est la belle part de son long métrage, qui illustre avec ambition un sentiment tout brésilien, la saudade, mot intraduisible en français qui renvoie à une idée de mélancolie mêlée de nostalgie. Donato quitte Fortaleza, lieu baigné à l’année d’un soleil éclatant, pour Berlin, ville contemporaine construite sur les ruines de l’Histoire : le bleu azur se fait bleu métallique, le beau temps laisse place à la grisaille, et le héros de se constituer entre les deux, lui aussi personnage à reconstruire sur les vestiges de sa vie d’avant.
C’est sur le rapport au corps que Praia do Futuro – par ailleurs très maîtrisé visuellement et assez hypnotique – touche le plus juste. D’une grande physicalité, le film est bien plus à l’aise dans la mise en scène des corps (aussi bien dans l’érotisation que dans la rudesse) que dans les dialogues, pourtant réduits au pur minimum. Dans une scène d’entraînement sur une plage de Fortaleza, Karim Aïnouz convoque le sublime Beau travail (2000) de Claire Denis ; plus loin, les muscles bandés de Donato ont fondu, le corps est celui d’un homme éprouvé, un peu plus replet, et évoque mieux l’exil et les années de doute que les affaires familiales qui viennent clore le film. Quand Praia do Futuro s’échappe des lieux auxquels il s’était circonscrit, et que des motos viennent bouffer le bitume d’une route qui mène à la mer du Nord, il retrouve la puissance du début, jamais meilleur que dans sa fétichisation de l’homme, de la machine et des abdos sanglés par l’uniforme.