A force de toucher le fond et de continuer à creuser, Jean-Jacques Annaud a fini par trouver du pétrole.
Après avoir exploré les sommets de l’Himalaya pour Sept ans au Tibet, dépeint le front russe avec Stalingrad et parcouru la jungle indochinoise dans Deux frères, le réalisateur poursuit son tour du monde des grandes fresques historiques et livre sa dernière création Lonely Planet : "Jean-Jacques au pays de l’or noir". Au programme de cette nouvelle production épique, la lutte de pouvoir entre deux émirs (interprétés par Antonio Banderas et Mark Strong) au coeur du Moyen-Orient des années 30. Avec la découverte du pétrole en toile de fond, le film relate également le parcours initiatique d’un jeune prince (Tahar Rahim), garçon timide et rat de bibliothèque, qui va peu à peu s’émanciper des deux figures patriarcales écrasantes pour prendre les armes et unir les tribus de la péninsule arabique.
Il devient presque gênant d’avoir à évoquer un nouveau film du regretté réalisateur de Coup de tête et du Nom de la Rose tant on a l’impression de tirer sur une ambulance déjà criblée de balles. Mais qu’à cela ne tienne, passé cet embarras éphémère, penchons nous sur ce dernier essai d’une indigence qui n’a d’égal que sa prétention. Son titre évocateur laissait pourtant entrevoir une épopée potentiellement passionnante sur la conquête de cette matière première stratégique, fruit de toutes les convoitises et source d’une bonne partie des conflits politico-économico-écologiques qui se trament de nos jours. Mais de pétrole il en est finalement très peu question – si ce n’est pour l’apparition aussi fugace que superficielle d’un Texan venu annoncer la précieuse découverte – car Annaud évince de son récit cette thématique en or, passant à côté d’un sujet à la portée éminemment contemporaine. Pour mieux se concentrer sur le destin héroïque ou tragique de ses personnages se demande-t-on fébrilement ?
"Miracle ! On a trouvé une séquence qui évoque le sujet du pétrole…!"
Hélas, sur ce point notre mince espoir vient s’échouer sur les écueils d’un scénario paresseux, qui plus est mal ficelé, auquel les invraisemblances du montage ne viennent pas plus rendre service. La grossière caractérisation – quand elle n’est pas inexistante – de l’ensemble des protagonistes, additionnée à des choix narratifs aussi limpides qu’une nappe de mazout, requièrent une vigilance toute particulière pour ne pas sombrer dans un ennui profond. En témoignent l’émancipation du jeune lettré devenu chef de guerre totalement surfaite, ou le personnage incarné par Freida Pinto dont la beauté plastique ne parvient pas à masquer l’indigence du rôle qui lui est proposé. Plus étonnant encore, le film n’est jamais spectaculaire. Faute à un relatif manque de moyens ou à une panne cruelle d’inspiration (sûrement un peu des deux), le réalisateur ne parvient pas à imprimer un souffle épique aux quelques séquences de bataille qui émaillent son long métrage. Et ce en dépit des efforts démesurés du compositeur James Horner, dont on se serait toutefois bien passé, pour compenser cette mise en scène mollassonne par un trop-plein musical indigeste.
Le casting est à l’unisson : complètement raté. Il va de soi que dans ce Moyen-Orient du début du XXe siècle tout le monde parle anglais. Mais passons sur ce détail inhérent aux productions ouvertement destinées au marché américain. Seul Tahar Rahim surnage à peu près au milieu de cette distribution très internationale, malgré le manque d’épaisseur de son personnage. Freida Pinto, coiffure L’Oréal et sourire Colgate, fait de la figuration publicitaire. Quant à Antonio Banderas, jamais avare en cabotinage et en performances outrées, il avait vraisemblablement la tête au doublage du Chat Potté, validant le choix déjà judicieux d’un acteur espagnol pour interpréter un émir.
Au final, Or Noir fait figure de fresque nanardesque – un Lawrence d’Arabie du pauvre – qui rappelle également les heures sombres de Kevin Costner, époque Waterworld et Postman, et nous ferait presque regretter Sa Majesté Minor, son mauvais goût assumé, son humour graveleux et ses mémorables saillies paillardes. Un comble.
"Tahar d’Arabie" en route – enfin à cheval – vers son destin…
Par la satire sociale, cette comédie de moeurs tourne en dérision les travers de l’institution maritale. Entre Cendrillon et Le Roi Lear, la pochade étrille la misogynie patriarcale à travers la figure tutélaire de butor histrionique joué avec force cabotinage par Charles Laughton. Falstaffien en coffret dvd blue-ray.