Rome, à notre époque, la nuit. Tarek,17 ans, d’origine égyptienne et indonésienne, attend le tram 5. Ses amis lui téléphonent pour lui demander d’acheter de l’herbe avant de les rejoindre. Perplexe, le garçon accepte tout de même et va finalement se procurer la substance auprès d’un groupe de dealers. Une voiture le suit, son conducteur l’agent Proietti (Edoardo Pesce), l’arrête et veut l’amener au commissariat. Tarek tente de fuir mais il est neutralisé par l’agent et menotté. Voici le début d’une nuit intense, mystérieuse, voire surprenante, au cours laquelle va se nouer un lien ambivalent entre nos deux protagonistes.
Fulvio Risuelo entraine ses personnages et le spectateur dans une pérégrination se déroulant dans une Rome devenue inquiétante, inhabituelle, une ville-fantôme, qui devient autre. La photographie, avec ses lumières colorées et subjectives (bleue, rouge, orange), renforce cette impression d’une cité plus onirique que réelle. Tarek et Proietti déambulent dans des lieux rendus étranges, des lieux parfois flous, mais fréquemment bigarrés qui les encerclent ou les enferment : bars, appartements, arches, souterrains et tunnels matérialisent cette claustration. Rome se métamorphose en ville labyrinthe, dont les méandres servent de révélateurs d’âmes et de tourments.
Road-movie singulier, le film dévoile avec subtilité des endroits urbains comme les blessures physiques et mentales de Proietti, fêlures qu’il confie progressivement à son compagnon de virée d’une nuit. Alternant action, confidences, et conversations Ghost Night prend l’allure d’un buddy movie où nos deux compères temporaires débattent sur les qualités des pizzas cuisinées par les Egyptiens d’Italie, les origines familiales de Tarek, les religions, les femmes. Leur balade nocturne et véhiculée (la voiture du policier devient un huis-clos par intermittence) varie entre drame, comédie et fantastique. Avant une rencontre furtive et touchante avec Bea, la fille de Proietti, dans l’appartement où elle dort désormais, loin de son père après un divorce difficile, Tarek et le policier se rendent dans un cimetière, scène d’abord angoissante mais qui se transformera en une saynète comique.
L’interprétation reste d’une grande qualité, les deux acteurs principaux jouant leur partition avec un sens de l’attente, du silence, et des regards. Edoardo Pesce compose un personnage ambigu, trouble, voire bipolaire, qui se révèle face à un jeune inconnu incarné avec finesse par Yothin Clavenzani, un jeune homme attachant et attirant notre empathie et notre sympathie. En outre, nous pouvons nous demander si Tarek ne rêve pas cette odyssée, en constatant les gros plans, les surimpressions, les paysages floutés qui lui sont associés lorsqu’il contemple les rues de l’intérieur du véhicule de Proietti. Le titre original, Notte Fantasma, confirmerait cette hypothèse : une ville-fantôme, une ville rêvée, mais également des personnages dignes parfois d’un cauchemar.
En définitive, nous vous laissons le soin d’explorer désormais cette œuvre qui a le mérité d’unir plusieurs tonalités avec dynamisme, un long-métrage qui assure une belle filiation avec la comédie à l’italienne d’un Dino Risi -nous pensons au Sorpasso.
Le film est disponible exclusivement sur la Plateforme Universciné à partir du 11 mai.