Chez Reza Serkanian, tout est suggéré, mais rien n’est jamais dit. Le film s’ouvre, tout en douceur, sur la cour d’une maison où doit se réunir prochainement une famille modeste et provinciale. Grand-père, petits-enfants, oncles, tantes et cousins, toutes les générations vont se rassembler pour célébrer la circoncision des deux fils d’Aziz. Petit à petit, Reza Serkanian se rapproche des protagonistes, dévoile leur visage – celui de Maryam n’apparaît qu’après plusieurs minutes – et leur histoire. Maryam a perdu son mari il y a déjà plusieurs années. Son beau-frère, le séduisant et fougueux Kazem, est promis à une cousine et attend la cérémonie avec une impatience grandissante. Et puis il y a le grand-père, Hadji, un mollah aussi vieux que les murs de la maison qui l’abritent. Lorsque le patriarche pousse son dernier soupir, les jouissances familiales laissent place au deuil : Aziz, Maryam et Kazem partent pour la ville afin d’enterrer le grand-père conformément à ses dernières volontés.
Le premier long-métrage de Reza Serkanian s’articule en deux temps. La première moitié du film, celle qui se déroule dans la demeure provinciale, invite le spectateur à pénétrer un cercle familial où les rituels ont une place prépondérante. Objets de tous les regards, les enfants sont projetés au cœur des cérémonies et découvrent, grâce aux ainés, le poids des traditions. Les youyous des femmes, venus couvrir les cris de douleurs des jeunes garçons excisés, se transforment en lamentations retentissantes après le décès du patriarche : c’est à une société de rites que Reza Serkanian se confronte, comme il l’avait fait dans son documentaire Ceux qui mangent le bois. Dans un cadre familial et familier, les plus jeunes intériorisent les prescriptions et les interdits auxquels ils seront confrontés tout au long de leur vie.
Si Noces éphémères n’a rien du réquisitoire contre la république islamique qu’était Au revoir, il parvient tout de même à poser certaines questions brûlantes. Le fait que Mahnaz Mohammadi, qui incarne Mariam, ait été incarcérée et n’ait plus le droit de quitter son pays, donne une idée des contraintes et des interdits qui étouffent, aujourd’hui encore, la voix des citoyen(ne)s iranien(ne)s.