New York Melody

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Gretta/Keira Knightley dit non au machisme. Nous aussi !

Une comédie romantique avec Keira Knightley qui chante et Adam Levine, le chanteur des Maroon 5, on oublie ? Eh bien non, étonnamment. Parfois, le cinéma nous réserve de bonnes surprises et il faut bien avouer que si Keira Knightley n’est pas non plus un modèle d’émancipation féminine, elle est quand même bien moins tarte que la plupart de ses consœurs. A armes égales, il n’y a qu’à regarder leurs choix de publicité. Rayon parfum, c’est la guerre des « miss » et des « mademoiselle ». L’actrice anglaise prend la pose et allume un photographe Don Juan lors d’un shooting avant de l’abandonner, excitation à son comble, sans consommation, en s’enfuyant en moto (variante : en bateau) et se payant sa tronche ; son presque sosie, l’américaine Natalie Portman, elle, se roule sur un canapé avec un gros nœud-nœud dans les cheveux en attendant sagement le retour de son homme. L’une essaie de se déjouer de son statut de femme-objet, l’autre se vautre dedans avec une délectation non feinte. Savoir lequel des deux modèles vous préférez indiquera à peu près ce que vous souhaitez de la vie.

Keira Knightley donc. Femme de marin toute en bouche qui ne dédaigne pas la baston (« A l’abordaaache ! ») dans Pirate des Caraïbes (Gore Verbinski , 2003, 2006 et 2007) ou patiente de Carl Jung toute en coude, mais promise à un devenir de psychanalyste (A Dangerous Method, David Cronenberg, 2011)… Keira Knightley  chanteuse et compositrice qui se fait jeter par son compagnon chanteur (Adam Levine) dès que le succès se pointe de son côté. Et vous croyez qu’elle va se montrer compréhensive, peut-être ? Non, elle lui en colle une au moment où il lui fait écouter une chanson qu’il vient de composer pour l’assistante de la maison de disques qu’il saute. Si le film s’avérait plan-plan jusque-là, il commence à devenir intéressant. Noyant son chagrin dans le whisky (elle est britannique, dans le film comme dans la vie), Keira/Gretta est remarquée par un ex-producteur légendaire (Mark Ruffalo) alors qu’elle chante sa dépression dans un bar – producteur qu’on a déjà vu quelques scènes auparavant balancer par la fenêtre tout ce qui de près ou de loin ressemble à un tube radiophonique potentiel parmi les maquettes qu’il reçoit. Les deux font la paire ? Pas forcément, mais être dans la mouise et l’amour du travail bien fait, ça rapproche toujours un peu. Ruffalo se met alors en tête de produire Knightley.


« Gretta : A la base, c’est une balade et là on dirait de la pop de bourrin.
Dave : J’ai juste voulu en faire un hit ! »

New York MelodyCan a song save your life ? en VO – passe une bonne partie de son temps à déjouer nos attentes. D’abord en ne courant pas forcément après la romance : sans dévoiler grand-chose de l’histoire, on peut simplement dire qu’ici le couple sera déplacé. Comme son personnage principal, le film refuse régulièrement de rentrer dans les fers qu’on lui propose. Ainsi, si Gretta refuse d’être reléguée au rang de potiche qui porte le café pour son mec, ce n’est pas pour accepter cinq minutes plus tard le relooking sexy pour vendre plus de disques que lui propose son producteur. Gretta rejette régulièrement tout marchandage et autres compromissions. Humaines et musicales. Oh, ce n’est pas que sa musique (à laquelle Knightley prête son petit filet de voix) soit particulièrement remarquable ou excitante – juste une pop-folk bien mignonne – mais Gretta tient à son intégrité. New York Melody se transforme alors en éloge du do-it-yourself. Aux ponts d’or faits à son ex sous couvert de « FM-isation » de sa musique, Gretta, sans studio, sans argent, mais avec des chansons, se met à enregistrer avec les moyens du bord dans les rues de New York. La comparaison avec les deux versions de la même chanson se fait alors corrosive. On est d’ailleurs assez étonné de la présence d’Adam Levine dans le film tant son personnage et sa musique (et par extension lui-même) s’en prennent plein la tête.

 

Oublié le chanteur à minettes fadasse, oubliés les vautours de l’industrie, Gretta veut être libre. Et tant pis si le film écrit et réalisé par John Carney (remarqué en 2006 avec Once) bat un peu de l’aile par moments, il est constamment sauvé par la rigueur qu’il applique à son personnage. Gretta/Keira Knightley propose un modèle alternatif de production musicale et un modèle alternatif de vie. Une femme qui refuse de se définir en fonction des règles imposées par les hommes. Droite jusqu’au bout. Tant pis si ça fait mal, au moins elle peut se regarder dans la glace, elle. Rien que pour ça, New York Melody est précieux. Et Keira Knightley confirme qu’elle est peut-être plus estimable que bon nombre de dindes érigées en modèles par l’industrie cinématographique et la critique.

Si ça ne vous suffit pas, on note en plus dans New York Melody la présence de Catherine Keener (Dans la peau de John Malkovitch, Spike Jonze, 1999), la meilleure second rôle américain dont on n’a jamais compris pourquoi on ne lui confiait pas de premiers rôles (trop intelligente, pas assez malléable… choisissez votre préféré) et Hailee Steinfield qu’on avait repérée dans le True Grit (2010) des frères Coen et qui peaufine son rôle d’ado râleuse. Que du bon !

Titre original : Begin Again

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