My name is Khan

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Un road-trip initiatique qui en fait vraiment beaucoup dans sa lutte contre l´intolérance religieuse. Mais parfois, la fin justifie les moyens. Un beau mélodrame engagé.

Le héros de ce film s’appelle Khan. Rizvan Khan. Il est interprété par la plus grande star du cinéma bollywoodien, Shah Rukh Khan. On y suit le road trip pédestre d’un musulman atteint du syndrome d’Asperger – doublement suspect après le 11 septembre, donc – qui traverse les Etats-Unis en long en large et en travers dans l’espoir d’obtenir trente secondes d’audience auprès du Président afin de lui dire : "My name is Khan and I’m not a terrorist"*. Yes, he can.

"Il n’y a ni hindous, ni musulman", répétait Madame Khan à son petit garçon autiste tandis que dans les rues de Bombay, les deux camps s’affrontent. "Juste des bons et des méchants." A la mort de sa mère, Rizvan quitte l’Inde pour le pays de l’oncle Bush avec cette ritournelle en tête. A San Francisco, il rencontre Mandira (Kajol) qui tient le salon de beauté du quartier. Elle est sublime, hindoue et pas le moins rebutée par l’étrangeté de Rizvan. Le décor est planté, avec tous les ingrédients d’une tambouille bollywoodienne, à ceci près que les personnages ne chantent pas.

Survient le 11 septembre, qui remet tous les compteurs à zéro : Rizvan, le voisin dont tous étaient convaincus qu’il leur voulait du bien, devient en 24 heures l’ennemi de tout le quartier et son fils est tabassé à mort par ses camarades de classe sous les yeux de son meilleur copain qui l’accuse d’être responsable de la mort de son père en Irak. Folle de chagrin, Mandira chasse son mari et jure qu’elle ne le reprendra que lorsqu’il aura expliqué au Président qu’on peut être musulman sans poser des bombes. Mais les « Asperger » ne comprennent pas le second degré (rappelons-nous Rain Man, de Barry Levinson, en 1989).

Rizvan entame donc un long périple initiatique dans l’Amérique pauvre et rurale et le propos devient plus politique, comme lors de cette scène de fouille au corps par des policiers sans le moindre respect. Khan, l’acteur, véritable demi-dieu en Inde, a eu droit au même traitement cet été dans un aéroport du New Jersey.

La sauce humaniste de ce mélodrame à l’indienne – long et larmoyant, mais aussi drôle et bouleversant – sera peut-être dure à digérer, mais l’incroyable attente suscitée par ce film auprès du peuple indien devrait au moins susciter la réflexion.

Oui, Karan Johar (Kuch kuch hota hai ; La Famille indienne) en fait vraiment beaucoup dans sa lutte contre l’extrême-droite et l’intolérance religieuse. Il en fait même tellement – dénonçant au passage le sort le sort d’une communauté noire abandonnée par l’Etat après le passage de l’ouragan Katrina – qu’il ne prend pas suffisamment le temps de développer ce thème crucial du film : la romance entre deux être différents (par leur religion, le handicap). Mais parfois la fin justifie les moyens. La fiction bollywoodienne a le droit, elle aussi, de s’engager.

* "Mon nom est Khan et je ne suis pas un terroriste."

Titre original : My Name Is Khan

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Durée : 260 mn


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