Les deux acteurs sont sublimes et le film veut dénoncer à la fois l’abandon par les pouvoirs politiques de la médecine rurale pour des raisons économiques et la pénibilité de ce métier solitaire, pourtant plébiscité par tous les Français. Encore un paradoxe énorme de notre monde actuel. François Cluzet nous propose même un parallèle intéressant entre son métier et celui de médecin de campagne : « Le personnage, ce docteur Werner, malade, qui devrait penser à lui, se dépêcher de changer de contrée. Et non, le sacerdoce, la vocation, sont les plus forts. En ce sens, être médecin c’est finalement assez proche du métier d’acteur. Chez nous aussi, il y a une part de vocation, de passion, d’abnégation et c’est presque obligatoire. »
Alors lorsqu’un ancien médecin, un ancien malade à l’écran (dans, notamment, Intouchables d’Éric Toledano et Olivier Nakache en 2011) et une ancienne toubib d’hôpital à l’écran se rencontrent, ça ne donne pas vraiment du Tchékhov (lui aussi ancien médecin), mais un film grave et passionnant dans lequel chaque spectateur peut finalement retrouver une part de sa propre vie. « À l’hôpital d’Alès, raconte à son tour Marianne Denicourt dans le dossier de presse, j’avais rencontré une femme qui, après avoir été infirmière, avait entamé des études de médecine. Je m’en suis souvenu pour le rôle de Nathalie. »
Même si on peut reprocher à ce beau film de ne pas trop régler les problèmes sociétaux et politiques – mais qui le pourrait ? -, on lui propose comme conclusion ces mots que Thomas Lilti est allé trouver dans le livre de photos qui l’a inspiré ainsi que Nicolas Gaurin, le directeur de la photo, pour la réalisation du film. Il s’agit de Médecin de campagne, un ouvrage de Martin Winckler (éditions de Juillet) : « Être médecin de campagne, c’est prendre racine, même quand on a grandi en ville et beaucoup voyagé. On adopte le rythme, le parler, les coutumes. On n’est pas seulement le soignant des maladies et le confident des soucis, on devient aussi le témoin des changements du paysage, des événements du village, des départs et des arrivées. On fait partie du canton, de la communauté. On se met à appartenir. » C’est à cet apprentissage que s’emploient le film et ses deux acteurs formidables.