Médecin de campagne

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Revenant sur son sujet de prédilection envisagé sous l’angle de l’hôpital dans « Hippocrate », l’ancien médecin Thomas Lilti offre un beau film sur la vocation.

Rien à voir avec La grande séduction, ce film canadien de Jean-François Pouliot de 2003 qui racontait l’histoire d’un village qui faisait tout pour recruter un médecin de campagne dans ce trou perdu du nord du Canada. Thomas Lilti est lui-même ancien médecin et il s’est surtout fait connaître récemment avec son film Hippocrate (2014) qui a rencontré un réel succès en mettant en scène le corps médical emmenant « le spectateur, comme il le dit lui-même dans le dossier de presse, dans les coulisses de cette microsociété qu’est l’hôpital. » Avec Médecin de campagne, nous voici dans le monde médical très particulier de la médecine rurale. Rien à voir avec l’hôpital, ni avec le médecin de ville, et Thomas Lilti a bien connu cette situation lorsque, jeune interne, il a fait des remplacements en Normandie ou dans les Cévennes. On peut dire qu’il a fait le bon choix en optant pour François Cluzet dans le rôle de ce médecin de campagne car il excelle dans les rôles de bougons qui se bonifient à la longue. Cœur solitaire, tête de mule, très professionnel, le docteur Jean-Pierre Werner qu’il incarne à la perfection, tombe gravement malade mais il ne veut pas que ça sache auprès de ses patients qui comptent tous sur lui. Jusqu’au jour où le médecin qui le soigne à l’hôpital lui impose plus ou moins une remplaçante, Nathalie Delezia, interprétée par Marianne Denicourt qui avait déjà joué le rôle d’un médecin dans

Les deux acteurs sont sublimes et le film veut dénoncer à la fois l’abandon par les pouvoirs politiques de la médecine rurale pour des raisons économiques et la pénibilité de ce métier solitaire, pourtant plébiscité par tous les Français. Encore un paradoxe énorme de notre monde actuel. François Cluzet nous propose même un parallèle intéressant entre son métier et celui de médecin de campagne : « Le personnage, ce docteur Werner, malade, qui devrait penser à lui, se dépêcher de changer de contrée. Et non, le sacerdoce, la vocation, sont les plus forts. En ce sens, être médecin c’est finalement assez proche du métier d’acteur. Chez nous aussi, il y a une part de vocation, de passion, d’abnégation et c’est presque obligatoire. »
Alors lorsqu’un ancien médecin, un ancien malade à l’écran (dans, notamment, Intouchables d’Éric Toledano et Olivier Nakache en 2011) et une ancienne toubib d’hôpital à l’écran se rencontrent, ça ne donne pas vraiment du Tchékhov (lui aussi ancien médecin), mais un film grave et passionnant dans lequel chaque spectateur peut finalement retrouver une part de sa propre vie. « À l’hôpital d’Alès, raconte à son tour Marianne Denicourt dans le dossier de presse, j’avais rencontré une femme qui, après avoir été infirmière, avait entamé des études de médecine. Je m’en suis souvenu pour le rôle de Nathalie. »

Même si on peut reprocher à ce beau film de ne pas trop régler les problèmes sociétaux et politiques – mais qui le pourrait ? -, on lui propose comme conclusion ces mots que Thomas Lilti est allé trouver dans le livre de photos qui l’a inspiré ainsi que Nicolas Gaurin, le directeur de la photo, pour la réalisation du film. Il s’agit de Médecin de campagne, un ouvrage de Martin Winckler (éditions de Juillet) : « Être médecin de campagne, c’est prendre racine, même quand on a grandi en ville et beaucoup voyagé. On adopte le rythme, le parler, les coutumes. On n’est pas seulement le soignant des maladies et le confident des soucis, on devient aussi le témoin des changements du paysage, des événements du village, des départs et des arrivées. On fait partie du canton, de la communauté. On se met à appartenir. » C’est à cet apprentissage que s’emploient le film et ses deux acteurs formidables.

Titre original : Médecin De Campagne

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Durée : 102 mn


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