Madame Bovary

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Nouvelle adaptation plate du roman de Flaubert.

Après Jean Renoir en 1933, Vincente Minelli en 1949 et Claude Chabrol en 1991 c’est à la jeune réalisatrice française Sophie Barthes qu’a été confiée la lourde tâche d’adapter une énième fois le célèbre roman de Gustave Flaubert. Un exercice que l’on sait ardu, puisque si ces grands maitres du cinéma ont tenté de transposer l’histoire d’Emma Bovary à l’écran, leurs adaptations n’ont pas vraiment marqué leurs filmographies respectives. Pour cette version 2015, Sophie Barthes a fait le choix de remanier légèrement le roman pour orienter la problématique sur la débâcle financière d’Emma, et ramener la temporalité du récit à une seule année, supprimant ainsi quelques détails de l’histoire (sa grossesse par exemple). Coproduction et star système obligent, c’est dans une France parfaitement bilingue que se déroule le film, une incohérence devenant profondément gênante lorsque Oliver Gourmet (le cachet francophone du film) récite un discours en anglais avec un accent n’inspirant rien d’autre que la moquerie. Mais au-delà de ces considérations, cette nouvelle adaptation ne convainc pas. Le Madame Bovary de Sophie Barthes manque tout simplement d’une vision de cinéaste, ne dépasse jamais le stade de l’adaptation frontale à la mise en scène académique et poussiéreuse.

Si la réalisatrice s’applique en effet à rendre une reconstitution historique fidèle et précise, elle oublie d’injecter une quelconque modernité au roman. Cette adaptation trouve si peu de résonnance contemporaine que l’on en vient à se poser la question de son utilité. Pourtant, le chef-d’œuvre de Flaubert abordait des thématiques universelles et intemporelles comme la volonté de dynamiser la torpeur du quotidien,  ou tout simplement la question de la condition de la femme. Sophie Barthes trouve plus intéressant de traiter la problématique de la déroute financière, pensant probablement faire résonner son film avec l’actuelle crise économique (comprenez : même au XIXème siècle on pouvait s’endetter et se perdre dans les dépenses insensées). Cela s’avère être une relecture bien plate et restrictive du roman.

Mais ce qui manque le plus cruellement à son film, c’est tout simplement du cinéma. Sa mise en scène sans consistance manque cruellement de passion, un souci d’autant plus problématique lorsqu’on sait que la démarche du roman est justement la représentation d’un mal-être dans sa dimension la plus fiévreuse. Dans ce Madame Bovary, les émotions ne trouvent aucun prolongement sensoriel, aucune transposition visuelle (l’unique principe de mise en scène étant une académique variation des couleurs des robes d’Emma en fonction de ses humeurs). En témoignent les confidences d’Emma à Henriette sur sa lassitude de Charles : incapable d’incarner visuellement l’émotion, elle se voit obligé de passer par le dialogue pour la communiquer. Ainsi, au lieu d’être le centre névralgique du film, l’émotion est réduite à une simple information narrative. Des états d’âme d’ailleurs incarnés sans subtilités par une Mia Wasikowska rarement aussi mauvaise. Elle vulgarise la complexité psychologique du personnage par un étalage de grimaces clownesques bloquant toute empathie. Une grande adaptation cinématographique doit être la rencontre de deux auteurs, la plume de l’écrivain doit être soumise au regard du cinéaste (Salo ou les 120 journées de sodome (1975) de Pasolini, Le Procès (1962) de Welles ou encore Le Festin Nu (1991) de Cronenberg …). Ici la réalisatrice n’imprime aucune vision personnelle sur le roman de Flaubert. Reste donc le récit de Madame Bovary, le style en moins.

Titre original : Madame Bovary

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Durée : 119 mn


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