Sympathique histoire d’une coupure de cordon, Ma vie, ma gueule raconte l’histoire de Barbie Bichette, une femme en pleine crise de la cinquantaine qui ne s’est pas totalement épanouie au cours de sa vie. Ce film, qui séduit par son esthétique simple et par la magnifique interprétation d’Agnès Jaoui, se concentre sur le fait de se consacrer aux autres et donc de s’oublier soi-même.
Il est structuré 3 actes : Pif, Paf et Yokou ! Dans la partie Pif, nous faisons la connaissance de Barbie. Elle est dans une partie de sa vie durant laquelle elle n’a pas encore atteint le stade de la rupture, mais qui n’est pas très solide. Dans la partie Paf, elle est tombée au fond du gouffre : elle est hospitalisée et suicidaire. Dans la partie Youkou, une décision soudaine lui fait prendre son propre chemin et elle se retrouve elle-même.
Durant ces 3 actes, on assiste à l’histoire d’une femme qui a peur de la mort, qui se libère de cette peur et qui s’accroche à la vie. Contrairement à la plupart des récits de découverte de soi, Barbie se trouve à travers les autres. Elle s’oublie et se souvient d’elle-même grâce aux autres.
Durant l’intrigue, la descente au fond du gouffre est la dernière étape à franchir avant la guérison. Barbie se retrouve alors à l’hôpital et il n’y a pas de pire situation dans laquelle elle puisse se trouver. C’est alors que commence le troisième et dernier chapitre et qu’elle décide, en conséquence, de partir en voyage avec ses enfants. Mais au dernier moment, elle les quitte et prend le bateau seule. Ce n’est pas une coïncidence si le moment où elle coupe son propre cordon se situe lors d’une croisière. L’eau, le lac, la mer et l’océan représentent l’utérus en psychologie. Barbie se donnera à nouveau naissance au milieu de la mer infinie.
À la fin du film, Barbie Bichette arrive dans une vaste plaine/montagne. Elle reçoit symboliquement un certificat de Lady, elle n’est plus Barbie mais Lady Bichette, elle a grandi et s’est réalisée. Elle garde sa folie et elle se réconcilie avec sa solitude. L’esthétique simple du film coïncide avec la structure et la vie du personnage. Ce choix renforce l’impact de l’histoire. Cette simplicité se retrouve également dans la bande sonore. L’absence de musique, sauf à la fin du film, augmente la force du réel et aide le spectateur à se retrouver dans la réalité du personnage.
Sophie Filières est décédée le 31 juillet 2023 à l’âge de 59 ans. Dans son dernier film, Ma vie, ma gueule, elle a fait incarnée son alter ego par Agnès Jaoui. Peut-être Lady Filières a-t-elle achevé son film et quitté ce monde libérée et en ayant retrouvé ses ailes.