Après des débuts remarqués dans la réalisation de comédies décalées (Prête-moi ta main, Un ticket pour l’espace), Eric Lartigau se lance courageusement dans l’adaptation du roman de Douglas Kennedy et signe un thriller existentiel envoûtant mais perpétuellement frustrant. On suit la quête personnelle d’un homme à la vie socialement parfaite, un avocat papa poule au quotidien rêvé. Suite à la chute de son couple et de son idéal familial entraînant un accident dramatique, Paul Exben (impeccable Romain Duris) fuit les paillettes en toc d’une vie qu’il n’a jamais réellement souhaitée pour changer d’identité et « faire ce qu’il voulait vraiment » : être photographe. Un photographe libre, si possible. Il quitte la France et s’offre une nouvelle vie laissant derrière lui femme, enfants, amis et carrière.
Cette longue cavalcade semble maîtrisée par le réalisateur qui propose une mise en scène efficace et une image affriolante entre la banlieue chic et le Monténégro, point de chute du personnage qu’il entoure d’excellents comédiens: Niels Arestrup, Marina Foïs, Branka Katic, sans oublier le toujours très juste Eric Ruf (révélé par la série Pigalle la nuit). Il insuffle enfin un rythme narratif intense comblant malheureusement un vide embarrassant.
Le film ressemble à une copie mathématique parfaite à laquelle il manque ce supplément d’âme, élément déterminant lors d’un tête-à-tête permanent avec le héros. Certes, le spectateur est dirigé dans le même état, sans cesse dans l’action sans jamais savoir où elle va le mener, mais cette transposition mentale aurait méritée plusieurs respirations. Très rapidement, il manque de réponses tout comme Paul Exben oublie ses interrogations. On comprendra aisément pourquoi il agit, mais on ne connaitra jamais les conséquences internes de ses actes. Pour élaborer sa fuite, il effectue à l’écran des plans rapidement improvisés pour, semble t-il, chasser ses doutes, et réussit à combiner les talents de Jack Bauer et McGyver pour des stratégies culottées toujours réussies, bien évidemment, qui décrédibilisent le récit.
Quelques séquences illustrant les pensées intérieures du personnage principal sont cependant disséminées dans le tumulte incessant des scènes d’action. Mais toujours de façon imagée et furtive tel le mail qu’il rédige pour tout raconter à sa femme et qu’il efface rapidement d’un doigt incertain sur la touche delete de son ordinateur. Dans cette quête de sens permanente, voire étouffante, une conclusion limpide et explicative se fait attendre. Elle ne viendra jamais. Le film se termine sur une pirouette terriblement frustrante qui ne déclenche aucune émotion, instaurant même le sentiment impromptu d’une possible entourloupe.
Et pourtant,
L’homme qui voulait vivre sa vie pénètre pleinement son époque. Quitter le confort, quitter l’ennui dictés par la société occidentale, voire même quitter Paris et sa symbolique urbaine sont des problématiques pertinentes sur lesquelles le film se repose. Cette lucidité générationnelle, déjà présente dernièrement dans
Tournée ou
Notre jour viendra, est ici légèrement effleurée au profit de l’action imposée par les directions d’adaptation du roman.
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