Qui n’a jamais eu envie, au moins un jour dans sa vie, d’étrangler son voisin ? Ce questionnement semble tout à coup moins anodin quand il bouscule les valeurs de tolérance et d’ouverture d’esprit que l’on défend quotidiennement. En utilisant un banal conflit de voisinage, les réalisateurs de L’Homme d’à côté jouent sans cesse avec notre morale bien-pensante, esquintent la nouvelle bourgeoisie et s’amusent de l’être humain faussement civilisé.
Léonardo est un designer en pleine hype, heureux locataire d’une maison conçue par Le Corbusier à Buenos Aires. Dans l’immeuble d’à côté, Victor, un trivial mastodonte à l’allure mafieuse, perce un mur pour installer une fenêtre qui donne directement sur l’appartement de son voisin. Une opposition entre deux personnages antagonistes qui devront régler leur souci entre hommes (sans même l’aide d’Henri Leconte) autour de ce morceau de verre. Sans jamais charger ses personnages principaux du moindre cliché simpliste, L’Homme d’à côté se repose sur un duo de comédiens toujours justes et au charisme subtil. Ils permettent progressivement aux idées du film de se propager, aidant notamment à comprendre les enjeux implicites de ce micro-évènement entre voisins. Outre la critique de la bourgeoisie citadine, présentée, dans d’amusantes scènes comiques, comme étant arrogante, sans jugements et émotions sincères, une réelle réflexion sur le rapport à l’autre est développée par ce personnage de Léonardo, constamment replié sur lui-même, qui se retrouve contraint à s’intéresser à autre chose que son nombril. Qu’elle soit cachée, bâchée ou à moitié rebouchée, cette fenêtre pointe du doigt l’intolérance voire l’inhumanité de ce personnage qui, paradoxalement, semble ne pas exister sans « l’autre ».
Ignoré par sa fille, dominé par sa femme, Léonardo manifeste son mal être sur un voisin qui ne désire qu’un supplément de lumière dans son appartement. Le film réussit à mettre en évidence un personnage qui n’est qu’un statut, posant en face de lui un énergumène qui certes ne compile pas les plus belles qualités humaines, mais se présente surtout comme étant simplement « différent », remettant ainsi sans cesse en jeu notre empathie envers les protagonistes. Agrémenté d’un finale surprenant et d’un délicieux générique de fin sous forme de recette de cuisine, L’Homme d’à côté possède toutes les caractéristiques de la bonne surprise, bousculant la réflexion en se jouant des principes. Car après tout, qui n’a jamais eu envie, au moins un jour dans sa vie, d’étrangler son voisin ?