Les prises Doillon. Livre d’Antoni Collot

Article écrit par

Une belle prise.

Jacques Doillon, un metteur en scène, ou un metteur en prises ?

Antoni Collot, dans Les Prises Doillon, nous invite à une relecture de l’œuvre d’un cinéaste dont l’essence est la parole, le verbe, via de multiples prises révélant une transformation, une nouvelle peau, pour l’acteur, délivré de ses artifices.

Cette révolution souhaitée de la parole, de la persona, et de l’être n’est pas que technique ou formelle, voire formaliste : elle repose sur l’énergie, afin de parvenir à ce mystère, cet acmé où le cinéma de Doillon devient communion. Un ravissement non pas nécessairement par force, comme d’aucuns semblent le croire, mais pour être transporté vers un ailleurs sur l’écran ou chez l’acteur et le spectateur.

Les Prises Doillon nous révèlent aussi une facette peu connue chez Doillon : l’humour. Pourtant, en revisitant la filmographie du réalisateur de Comédie ! (malheureusement invisible, introuvable), Antoni Collot permet au lecteur de découvrir un artiste sensible, tragique, mais non dénué du rire salvateur, libérant une charge, un trop-plein de fascination par rapport au récit très, trop construit, formaté.

D’humour, l’auteur de cet essai, de ce documentaire, n’en manque jamais : sous l’apparente chape de plomb lexicale et rhétorique structuraliste (nous lorgnons du côté de Barthes) ou lacanienne, Antoni Collot se livre à une parodie réjouissante du langage des maîtres à écrire et à penser des études littéraires et psychanalytiques des années 60 et 70. Preuve que, derrière le sérieux affiché de la parole, se profile un rire érudit et humain.

Un ouvrage bigarré, où Lacan côtoie Saturnin le canard, et Freud l’almanach Vermot. Un livre dans lequel le souvenir d’enfance se trouve non seulement chez Sarraute, mais aussi dans une scène d’un film de Decoin.

Prendre une œuvre au sérieux, sans trop se prendre au sérieux : bel exercice d’équilibriste accompli par Antoni Collot.

Allez, une dernière prise : Les Prises Doillon sont éditées par Pierre-Julien Marest, gage de qualité et de lectures roboratives. Encore une belle prise pour cet éditeur !

Les Prises Doillon, Antoni Collot, Marest éditeur.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.