Le récit historique s’attache à priori à l’accession, semée d’embuches, du Duc d’York au trône d’Angleterre, à la veille du second conflit mondial, son frère ainé ayant abdiqué. Si The Queen de Frears réussissait à rendre palpable cette espèce de lien indéfectible persistant entre les membres de la famille royale et les Anglais, ici, la fonction royale n’est pas primordiale, bien qu’elle reste dépeinte avec une déférence qui ne manquera pas d’amuser. L’accès au titre est donc plutôt le prétexte à filmer un homme combattant un fort bégaiement qui l’empêche, même en tant que Duc, de remplir ses fonctions officielles, s’adresser au peuple lors de discours, et notamment ceux diffusés en direct à la radio.
Tom Hopper ne se concentre pas non plus sur l’outil de communication radiophonique, et sur son rôle décisif dans les deux guerres mondiale, hormis lors d’une réplique assez cynique du roi, comparant désormais les membres de la famille royales a de vulgaires acteurs, devant s’abaisser à jouer le rôle de la communication, et donc de la séduction. Seule une image de la diffusion, cette fois-ci télévisuelle, d’un discours d’Hitler, et de sa gestuelle vociférante, rappelle violemment aux personnages le rôle décisif que s’apprête à jouer la Grande-Bretagne dans sa résistance à la machine nazie. Cette scène, furtive, est peut-être la seule qui acquiert une certaine réflexivité historique sur la puissance de la parole.
Si nous revenons plus longuement dans le laboratoire sur le parcours de l’acteur britannique, on peut juste avancer que ce personnage de bègue, en plus d’être l’évident rôle à trophée, est surtout l’occasion pour Colin Firth, non pas de sortir de son registre, il interprète encore une fois un personnage très english man, mais d’y injecter toute la mélancolie d’un homme de 50 ans au destin presque déjà échappé, et de se permettre d’abandonner toute modestie en montrant enfin à tous qu’il est un grand acteur !
La dernière demi-heure du récit abandonne la quête personnelle du personnage pour un nécessaire final tout en solennité historique, et le film devient ronflant en soulignant quelque peu ses effets (notamment la musique, finalement très « US », de l’inévitable Alexandre Desplat) pour dépeindre cette succes story construite à la manière des grands portraits hollywoodiens : personnage au départ faible, entravé par un motif, puis accession et succès, grâce au dépassement de soi prôné par l’american way of life. Le réalisateur, pourtant, est bel est bien anglais, ainsi que son directeur de la photo Dany Cohen, collaborateur de Shane Meadows sur This is England (films et série).
Pas de grandiloquence dans la mise en scène, soulignant tantôt la solitude de l’homme face à ses écrasants devoirs, tantôt exaltant des scènes de complicité loufoques entre le Duc et son orthophoniste. Mais c’est la photographie, stylisant la froideur et la grisaille de l’environnement urbain british, ainsi que celles des intérieurs royaux, aussi figés par des siècles de rigueur anglicane que les plans larges et statiques le soulignent, qui concourt, en plus d’une direction d’acteurs impeccable, à la réussite du film.