Le cours de la vie

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Au cours du cours

Des espoirs aux regrets

Venu de tout Toulouse, un petit groupe d’étudiants arrive à son école de cinéma pour suivre l’unique intervention de Noémie, une scénariste professionnelle usée par la vie. Tout le Cours de la vie s’articule ainsi autour de cette unique journée d’enseignement et alterne entre moments de cours et instants de pause (les premiers se déroulant en intérieurs tandis que les seconds le sont généralement en extérieur). Des cours où Noémie doit faire face à des élèves peu intéressés ou pensant savoir mieux qu’elle ; des pauses où se révèlent le passé et les regrets communs entrent la scénariste et Vincent, son ancien compagnon et directeur de l’école, ainsi que les tensions se jouant entre des élèves très au fait des théories de genres modernes.

De presque tous les plans, c’est avant tout sur les épaules d’Agnès Jaoui que repose le film, et sur sa capacité à faire transparaître au travers d’un aspect physique maladif et faible, une volonté de fer qui, contre toute attente, la rend capable de faire preuve de courage pour lutter et remporter l’attention des étudiants, segment de cours après segment de cours (bataille après bataille). Ainsi, à mesure que son intervention progresse, que les étudiants se laissent peu à peu happer pas sa leçon et que la qualité de ses propos monte en gamme, le public est aisément emporté par la mécanique de cette œuvre écrite avec rigueur. Le scénario du cours de la vie est ainsi son premier atout. Il est généreux et navigue efficacement entre le tragique et le drôle. Il est tragique lorsqu’il montre l’inutilité des sacrifices sentimentaux de son personnage principal, au nom d’une carrière qui n’a jamais véritablement décollé, il est drôle lorsqu’il met en scène les nouvelles lubies de la jeunesse, dont celle de définir son identité par le biais de la sexualité. L’alternance et le dialogue de l’un à l’autre donnent à cette œuvre ce ton si particulier naviguant entre l’humour satirique et la mélancolie mélodramatique. Par ailleurs, le scénario du Cours de la vie dispose d’une intéressante mise en abîme qui consiste en ce qu’il met en scène un cours de cinéma ayant l’enseignement du scénario pour thème.

De l’image au son

Cette alliance de réflexivité, d’ironie et de drame, fait ainsi penser au cinéma de Woody Allen, surtout lorsque la conception que se fait Noémie de son métier consiste à se servir de ses névroses et ses blessures comme base de travail. Ce métier devenant dès lors une forme de thérapie utile à exorciser ses démons intérieurs. Cette mise en scène du mélange entre le professionnel et l’intime est à l’origine des séquences les plus ironiques de l’œuvre. La principale qualité de cette ironie consistant en ce qu’elle n’est jamais cynique et témoigne d’un regard lucide sur les enjeux de tout acte créatif sincère. Il est d’ailleurs un peu dommage que cet humour se trouve atténué à cause d’une caractérisation somme toute un peu trop grossière de certains élèves, comparée au personnage d’Agnès Jaoui ; cette différence de subtilité dans le traitement des personnages créant un certain déséquilibre au sein de l’œuvre. Un déséquilibre qui est encore accentué par un rythme un peu inégal du fait de l’alternance entre instants de pause parfois un peu longs et moments de cours toujours dynamiques. Mais ces imperfections s’oublient assez vite devant les rires et les quelques larmes que le film procure et, surtout, face à son second atout : sa richesse plastique.

Car Frédéric Sojcher a l’intelligence d’employer deux types de style pour immortaliser ses deux types de séquences : plus fluides et longs (semblant parfois être des plans séquences) durant les instants de pause en extérieur, les plans tendent à la fixité durant les moments de cours (qui sont eux-mêmes filmés par l’école avec trois caméras qui disposent d’un format carré, tranchant avec le ratio large de l’image du film lorsqu’ils y sont mélangés). Ce système double a pour avantage d’augmenter la séparation des deux espaces et d’ accentuer chacun des enjeux. L’aspect allongé et fluide des scènes en extérieur laisse ainsi plus d’espace au jeu des comédiens pour qu’ils fassent naître l’émotion, pendant que l’espace de la salle de cours devient une zone de combat dans laquelle élèves et professeurs s’affrontent. Enfin, l’auteur a eu la bonne idée d’avoir recours aux services de Vladimir Kosma pour sa musique. Une musique qui contribue tantôt à l’humour (surtout lorsque la sonnerie d’un téléphone est l’une des bandes originales du compositeur) tantôt à la mélancolie.

De l’enseignant au scénariste

Ainsi, Le cours de la vie est un film qui dispose d’une belle richesse critique et visuelle. D’allure baroque, le film, au travers du parcours de cette intervenante cabossée, offre une réflexion profonde sur l’enseignement du cinéma ou du devenir de l’artiste en montrant le coût des sacrifices nécessaires pour espérer devenir un acteur du milieu de la création cinématographique, et où, à l’heure d’internet, tout un chacun pense pouvoir facilement devenir scénariste ou réalisateur. Et parce qu’il fourmille de détails et de références sur la conception d’un scénario, citant Paul Shraeder aussi bien que Gilles Deleuze, le film ne peut laisser indifférent le public fréquentant un cours de cinéma (que ce soit devant ou derrière le micro) comme celui, néophyte, souhaitant y mettre les pieds. Ainsi, il pourra sans doute donner envie de se lancer dans l’un de ces deux beaux métiers, parfois un peu trop dénigrés, que sont l’enseignant de cinéma et le scénariste, en armant le spectateur de quelques bons conseils sur les pièges à éviter et ceux à affronter.

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Durée : 90 mn


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