Découpant comme rarement ses plans et son récit, Truffaut insuffle à cette histoire d’adultère un rythme sec, sans jamais flirter pour autant avec la précipitation. Et c’est saisissant. Ici, ce qu’il traque, ce qu’il observe avec la précision d’un entomologiste, c’est la lâcheté un peu molle d’une liaison bourgeoise entre un homme d’une quarantaine d’années (Jean Desailly), écrivain reconnu, installé, marié, et une jeune hôtesse de l’air (Françoise Dorléac), pétillante, coquette et libre. Nul jugement marqué, juste une tension lente mais permanente. Un sentiment de chute aussi.
Jamais, de fait, Truffaut ne frôle le convenu, encore moins la connivence lourde du boulevard. Ne serait-ce que par la modernité troublante, assez inconfortable, de son point de vue. La Peau douce, en effet, est un film de voyeur. Le regard de Truffaut, placé sous l’influence assumée d’Hitchcock, nous donne donc à voir, comme par incises, des clairs-obscurs, des frôlements, des attentes, voire des moments de fétichisme pur (la belle scène où Dorléac dort, observée, couvée par Desailly, dont on ne sait s’il va la caresser ou l’étrangler). Tandis qu’alentour un environnement cossu (le XVIe arrondissement de Paris, les hôtels) mais neutre, leur laisse tout l’espace pour se perdre… Même pertinence dans la trivialité quotidienne des dialogues, par ailleurs, qui disent en creux la banalité dépressive de cet amour adultérin. Donc son échec inévitable, in fine.
Autant de raisons, passionnantes plutôt que douces cette fois pour, 45 ans après sa première sortie dubitative en salle, se laisser séduire enfin par cette tristesse ravissante. Littéralement.