La Chine

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Un documentaire magnifique, émouvant, passionnant… C´est sans réserve et avec la certitude d´être tombée sur un petit bijou que l’on ne peux que vous conseiller de vous plonger un (long) instant dans cette Chine que nous offre – le verbe << offrir >> prend ici tout son sens – à voir Antonioni.

« Ce sont eux, les Chinois, les protagonistes de nos récits filmés. Nous n’expliquons pas la Chine : nous voulons juste observer ce grand répertoire de visages, de gestes, d’habitudes » explique en voix-off Michelangelo Antonioni. Magistral, La Chine offre un voyage dans le temps, au cœur d’une culture, d’une civilisation … Impériale, gracieuse, la Chine fascine et les plus de trois heures de ce documentaire fleuve paraissent incroyablement courtes.

A sa sortie, La Chine n’a plu ni à la Chine au pouvoir, qui attendait un film propagandiste, ni aux pourfendeurs du maoïsme qui y notaient l’absence à l’écran des horreurs de ce maoïsme. D’un côté comme de l’autre, les critiques peuvent trouver leurs justifications. Mais voir ce documentaire ainsi, plus de trente ans après qu’il ait été tourné, n’en suscite pas moins une réelle fascination.

On y retrouve des images à la fois banales et émouvantes. De l’école à l’hôpital en passant par les appartements, les champs… c’est la vie qui est filmée sans artifices – et nul besoin d’y avoir recours tant les paysages, les visages, les chants… la société se suffisent à eux-même. Antonioni prend le temps de poser la caméra, de « partager » les instants filmés avec les protagonistes. Aussi, la voix-off – aux commentaires fort instructifs au demeurant – sait se taire et laisser au spectateur le plaisir de s’immerger lui aussi dans cette Chine qui n’est plus.

Antonioni ouvre son film en plantant sa caméra sur la place Tian anmen, en plein Pékin. On découvre, par la suite, les écoles, les usines – où les Chinois travaillent et vivent –, les hôpitaux – on suit notamment, âmes sensibles s’abstenir, une césarienne –, les communes agricoles – dont le fonctionnement nous est décrit –, les foires, la Grande Muraille de Chine – « le plus long cimetière du monde », à la voix-off de nous expliquer comment de monument de guerre (se protéger des Mongols) la Grande Muraille s’est transformée en monument involontaire de civilisation – la Voie des Âmes – immense allée bordée de statues d’animaux, empruntée pour conduire les empereurs défunts au mausolée –, un théâtre, un restaurant, des jardins, un musée – sorte de « crèche politique » représentant ce qu’enseigne Mao… Chaque lieu de passage est une découverte émouvante, dont on garde le souvenir en tête un long moment.

Une indicible grâce se dégage des images. Un exemple parmi tant d’autres : lorsque l’on observe ces petites filles chanter (des chants politiques nous apprend-on tout de même) et danser toutes ensembles, de façon harmonieuse, synchronisée et ce, malgré leur jeune âge ; ou encore quand on observe tous ces enfants lire leurs leçons à l’unisson.

« Outre leur gentillesse et leur intelligence subtile, les Chinois ont une autre vertu : la gourmandise ». Ainsi, un autre lieu visité assez impressionnant (difficile de ne donner que quelques exemples) : la foire. N’importe quel marché vu par le passé ne peut sembler que totalement ridicule eut égard à la foire que nous amène à visiter Antonioni. Animaux vendus vivants, étalages de fruits et légumes inimaginables… En amont, on a pu découvrir où ont été produits tous ces biens de consommation : ici, dans une commune agricole abritant 28 000 habitants (une commune assez riche en regard des autres existantes, note Antonioni). À relever, une indication qui bien que non indispensable est très intéressante : un mois par an, les étudiants, dans cette Chine de Mao, vont travailler, encadrés, dans une commune agricole. Nombreuses sont ces précisions qui donnent corps au documentaire ; saviez-vous que dans cette Chine maoïste, ce sont les femmes et les vieillards qui s’occupent bénévolement de la circulation ?

Antonioni réussit à se faire accepter par les Chinois, qui le laissent entrer dans leurs cours, leurs appartements… La proximité qu’il parvient à créer est tout au bénéfice du spectateur. Il sait transmettre sa fascination. Lorsqu’il filme par exemple le comité révolutionnaire d’un village, qu’il laisse ses membres parler sans commenter les images, on se retrouve à boire des paroles que l’on ne comprend pourtant pas.

On ressent une profonde affection du réalisateur pour ce qu’il filme, ce qui ne manque pas de se ressentir à l’écran, de rendre ce documentaire sensible, beau. En plus d’être assez hypnotique, La Chine est instructif sur le plan de la « civilisation », historique (c’est ici que se pose la question de l’objectivité, du choix de ce qui est filmé…) ; on est passionné, inlassablement attiré par cette civilisation, cette culture admirablement filmée.

C’est tout le documentaire que l’on aurait envie de raconter, de décrire, pour témoigner du plaisir pris à le visionner, mais ne gâchons pas le plaisir que constitue pour le spectateur la découverte.

Bonus :

– un entretien avec Carlo di Calo, collaborateur de Michelangelo Antonioni
– une analyse du film par Pierre Haski, journaliste et co-fondateur de Rue89
+ un livret exclusif 36 pages, véritable parcours critique autour du film

Édition Collector, Keep Case, PAL, Tous publics
Éditeur : Carlotta Films
Distributeur : Sony Pictures Home Entertainment
DVD Zone 2
Audio : International Dolby Digital 2.0 Mono
Vidéo : Format 4/3, Format DVD-9, Film en Couleurs
Sous-Titre : Français

Titre original : Chung-Kuo, Cina

Réalisateur :

Acteurs :

Année :

Genre :

Durée : 240 mn


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