Transformant la chambre bleue des ébats adultérins, lovée dans un hôtel de province, en une sorte de matrice putride – qu’il retrouvera sur le papier peint du tribunal à la fin -, Mathieu Amalric donne dès le départ le ton en y faisant entrer une mouche qui se pose près d’une tache de sang, celle qui goutte de sa lèvre que sa maîtresse vient de mordre. Comme pris au piège, Julien Gahyde (certains noms ou prénoms des personnages du roman ont été changés et le patronyme de Julien est évocateur) va se débattre dans un piège que lui tend une ex-amie de jeunesse qui devient un soir sa maîtresse.
Le film parle de la passion dévorante qui peut détruire un couple. On attendait Amalric avec Le Rouge et le noir, on le retrouve dans un polar psychologique sombre et déstructuré qui, par son montage et son traitement narratif, nous fait plonger dans un monde sans repère. La caméra se focalise sur le personnage masculin, torturé, piégé, en quelque sorte livré à une psychanalyse décousue de la part des gendarmes de son village et Mathieu Amalric mieux que quiconque lui apporte toute l’intensité dramatique et angoissante de son regard en permanence halluciné. Contrairement au roman, qui est assez explicite sur l’innocence du mari, le film nous laisse en permanence dans le doute. Jusqu’où peut nous mener la passion ? Telle est la question qui le hante jusqu’au bout et jamais Julien n’est présenté comme un homme innocent. Si ce n’est dans ses actes, c’est dans ses pensées qu’il est détraqué par le désir irrépressible et absurde pour la pharmacienne. Il faut le voir agir envers sa fille lorsqu’une guêpe se pose sur sa glace, ou dans les regards assassins furtifs qu’il jette à sa femme. Le regard final qu’il lance à sa maîtresse et au spectateur lorsqu’on les emmène tous deux menottés vers leur destin commun, la prison, est le point d’orgue de ce petit film réussi.
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