Réalisé en 1937, juste après Sabotage, Jeune et innocent (The girl was young ou Young and innocent) date de la période britannique d’Hitchcock. Il s’agit d’un film de suspense mené tambours battants, teinté d’humour et d’ironie. L’histoire est celle de deux jeunes gens, Robert et d’Erica, réunis par les circonstances pour prouver l’innocence de Robert, fortement suspecté du meurtre de son ancienne maîtresse et recherché par la police locale. Or, le chef de la police n’est autre que le père d’Erica !
Beaucoup d’éléments font de Jeune et innocent un film très « hitchcockien ». Il y a tout d’abord la structure du récit, mettant en avant un couple en fuite, thème récurrent dans l’œuvre du cinéaste ( La Maison du docteur Edwardes, Le Procès Paradine, La Main au collet, L’Homme qui en savait trop, La Mort aux trousses,…). Avec pour fil conducteur la thématique de l’innocent persécuté par un faisceau de preuves accablantes (Grace Kelly dans Le Meurtre était presque parfait, par exemple).
Hitchcock introduit de nombreuses métaphores qu’il utilisera par la suite. Tout d’abord, la quête des protagonistes peut se comprendre comme un « voyage initiatique ». Paradoxe subtil : dans Jeune et innocent, alors qu’ils luttent pour prouver l’innocence (au sens juridique) de Robert, tous deux perdent leur innocence (au sens moral) en se confrontant à la réalité du monde (un peu comme l’héroïne de L’Ombre d’un doute), passage peut-être métaphorisé par la course à travers la forêt.
Autre question très hitchcockienne, celle des faux semblants : les personnages sont rarement ce qu’ils semblent être. Dans le royaume des apparences, le héros n’est pas coupable, le méchant n’est pas noir mais blanc, le clochard se déguise en homme du monde pour trouver le vrai assassin. On retrouve également le symbole aquatique, puisque le cadavre de la femme est retrouvé sur une plage. La mer et l’eau, dans le cinéma d’Hitchcock, occupent une place prépondérante, renvoyant une image de l’inconscient située au confluent de la vie et de la mort. Rebecca commence lui aussi par une vue sur une plage, dans Les Enchaînés, les deux héros ont une conversation très intime sur un balcon surplombant une plage de Rio, dans La Maison du Docteur Edwardes, il se déclarent leur amour près d’un lac, dans Vertigo, la protagoniste tente de se noyer…
Young and innocent cumule deux qualités : c’est un très bon film du suspense, où la tension est palpable, montant crescendo. En outre, il donne un éclairage sur la permanence de certains thèmes dans l’œuvre du cinéaste. Pour finir, laissons Sir Alfred Hitchcock parler lui-même de son film : « L’idée était de tourner une histoire de poursuite avec de très jeunes gens. Le point de vue adopté était celui d’une jeune fille qui se trouve déconcertée car elle est placées dans une situation mouvementée, avec un meurtre, la police, etc. Je me servais beaucoup de la jeunesse dans ce film. […] Une fois de plus, le héros était un jeune homme accusé d’un crime qu’il n’avait pas commis. (in Hitchock – Truffaut, édition Definitive, page 93).