Interview d’Ed Zwick

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On peut avoir filmé Tom Cruise en coach privé d´un empereur Meiji (« Le Dernier Samouraï »), Leonardo DiCaprio en trafiquant de pierres précieuses (« Blood diamond »), et se laisser tenter de temps en temps par une histoire d´amour rose bonbon. Rencontre avec un tendre à la peau dure.

Votre producteur décrit Love & autres drogues comme une « dramédie ». C’est un nouveau concept marketing ?

Ça sonne pas mal effectivement, mais c’est surtout l’histoire de toute ma vie : une alternance de moments comiques, dramatiques et érotiques bien sûr. J’ai tenu à ce que l’on retrouve tous ces ingrédients dans Love…. Un peu comme les films de Hal Ashby que j’adore : Shampoo, Harold et Maud… Ce sont d’excellents films qu’on a, à tort, considérés comme des films de genre. Je n’aime pas qu’on étiquette des films pour des raisons de marketing.

On n’avait pas vu autant de scènes de nus dans un film américain depuis longtemps…

Je n’ai pas demandé aux acteurs de se déshabiller dans le but d’attirer les spectateurs dans les salles, mais uniquement parce que d’après mon expérience, pour un couple qui débute une relation, le lit est le centre du monde : on y discute, on y mange, on couche ensemble… Les personnages interprétés par Anne et Jake se mettent à nu au sens propre comme au figuré. C’est déjà comme ça que je concevais les choses lorsque j’ai réalisé en 1986 A propos d’hier soir [About last night], mon premier film explorant une relation de couple.

Hollywood serait donc devenu moins prude ?

Pas vraiment. Hollywood aime les étiquettes, moi pas et mon film joue sur plusieurs tableaux. Même avec Anne Hathaway et Jake Gyllenhaal au générique et sachant que je ne suis pas un débutant, nous n’avons essuyé que des réponses négatives de la part des studios de production, hormis un seul, qui était notre dernière chance. Le film a bien failli ne jamais se faire et nous avons dû accepter un budget et des salaires bien plus faibles que ce que nous avions prévu. Mais nous ne regrettons rien.

Comment avez-vous travaillé avec vos comédiens ?

Il n’y a aucune recette miracle pour créer une alchimie entre deux personnages. Il faut la combinaison de trois éléments : un bon scénario, de bons acteurs – qui font leurs devoirs et travaillent sérieusement leurs rôles – et une bonne direction. Si l’un de ces éléments manque, votre meurtrier n’aura jamais l’air d’un tueur et vos amoureux n’auront pas l’air fous l’un de l’autre. Avec Jake et Anne nous avons réécrit certains passages du scénario. Puis, juste avant le début du tournage, nous avons passé deux semaines ensemble pour apprendre à se connaître et se familiariser avec les personnages. Une fois ce travail préparatoire correctement effectué, il suffit d’amener la caméra, les acteurs sont prêts.

Laissez-vous une grande marge de manœuvre à vos acteurs ?

Je ne crois pas qu’il faille tout déterminer à l’avance. Avec de bons comédiens, vous pouvez vous permettre de laisser les choses évoluer en fonction d’une ambiance, d’une lumière… Je fais confiance aux acteurs pour trouver le ton juste.

Pour une comédie romantique, Love & autres drogues aborde sérieusement le thème de l’assurance santé aux Etats-Unis. Est-ce votre manière de prendre position dans le débat politique ? Michael Moore a fait un documentaire sur ce sujet, vous, une comédie romantique…

Mon film reste, avant tout, une comédie romantique, mais je ne peux pas faire un film qui ne soit pas ancré dans la réalité. Et la réalité, c’est que 15 millions d’Américains n’ont toujours pas d’assurance santé et que je n’avais encore jamais vu de film abordant la maladie de Parkinson, qui touche pourtant 3 millions de personnes dans mon pays. Mais c’est vrai, je m’intéresse aux débats d’idées et j’aime beaucoup les films de Michael Moore. Cependant, je crois que mon approche, parce qu’elle s’inscrit dans le cadre contraignant d’un film de divertissement, est un peu plus subversive. Mais peu importe au fond puisque nous avons sans doute des publics très différents.

Vous n’êtes pas très tendre avec l’industrie pharmaceutique et le laboratoire Pfizer – que vous citez nommément – en prend pour son grade. Vous ne craignez pas d’avoir leurs avocats aux trousses ?

Je ne vois pas ce qu’ils pourraient me reprocher tant que nous ne tenons aucun propos diffamatoire. Oui, je cite Pfizer et je parle du Viagra, mais comment voudriez-vous que je les appelle ? Mais rassurez-vous, les avocats de la Fox se sont posés la même question et ils ont beaucoup planché sur le sujet. A priori, nous sommes tranquilles.

Comment avez-vous dosé drame et comédie ?

Ma fille, contrairement à moi, est une excellente artiste et nous dessinions ensemble de temps en temps quand elle était plus jeune. Un jour, elle m’a dit : « Papa, tu dois apprendre quand t’arrêter« . C’est exactement ce que j’ai essayé de faire dans ce film : trouver le juste équilibre entre les moments de joie et de tristesse, entre ceux où je parlais de la maladie et ceux où je filmais la vitalité de mon héroïne.

A quoi ressemblera votre prochain film ?

Vous faîtes des gâteaux ? Souvent, à force de mélanger la pâte, on finit par avoir des crampes au poignet. C’est exactement ce que je ressens en ce moment. Alors je vais sûrement faire une pause…

Propos recueillis par Pamela Messi, décembre 2010


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