Ici-bas

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D´un conformisme télévisuel affligeant, « Ici-bas » ne parvient pas à se hisser plus haut que des pâquerettes malades. Dommage pour un film appellant à l’élévation mystique.

Dans la France de 1943, Sœur Luce (Céline Sallette), une religieuse à la dévotion sans pareil, est infirmière dans un hôpital de Périgueux. Elle rencontre Martial (Eric Caravaca), aumônier engagé dans la résistance pour qui la foi n’a plus lieu d’être en cette période de trouble. Entre eux va naître un amour impossible qui hystérise Sœur Luce au point de dénoncer les maquisards dans une lettre. Bien qu’inspiré de fait réels, le film ne parvient pas à électriser son auditoire avec son histoire sans queue ni tête, d’une banalité affligeante. Le thème de la foi est ici traité de manière assez infantile, les questions de Martial pouvant se résumer à un simple : « Mais où est Dieu quand les hommes en ont besoin ? » Interrogation qui ne cesse de corrompre la trame du récit, qui au fond ne s’intéresse moins à la religion en elle-même qu’à la romance impossible des deux protagonistes. Jean-Pierre Denis cherche avant tout à renouer avec le théâtre bien connu de l’amour impossible tendance Roméo et Juliette. Dans ce système narratif, il est de bon augure de se demander s’il n’a tout simplement pas manqué de foi en son sujet, passant aussi bien à côté du traitement historique que de la romance.

Dans Ici-bas, les scènes sont jetées comme des pierres dans une mare, attendant que le choc fasse des ondulations pour briser le calme de la surface. Jean-Pierre Denis lance des cailloux qui se perdent avant de toucher le fond, sa mise en scène ne laissant de place à aucune forme d’émotion. Le cinéaste ne semble pas vraiment croire, et ce dès le début du film, à l’historicité de son récit. Sœur Luce, par son exécution pour délation, a servi de propagande à l’Allemagne pour dénoncer les abus des résistants. Cet arrière-plan historique n’est pourtant amené qu’en transparence, tel la projection de quelconque image susceptible de donner un semblant de corps à un film ou un trajet. Mais, comme dans certains films hollywoodiens, ces transparences ne peuvent donner lieu à une vérité, les images ne correspondant pas tout à fait au « devant » de l’histoire. Aspirant au grand cinéma d’auteur, c’est au téléfilm désastreux que s’apparente réellement cette œuvre. De ceux qui inondent les tubes cathodiques (et non catholiques) d’un certain service public, avec leurs histoires de résistance française toutes plus tonitruantes les unes que les autres.

Ici-bas laisse perplexe quant à la diffusion de son sujet, sa narration, les personnages finissant même par exaspérer dans leur questionnement sur Dieu et la métaphysique. Difficile en effet d’égaler aujourd’hui Bruno Dumont en matière de cinéma de la déification. En ce début d’année, après les repas de fêtes, le nouveau film de Jean-Pierre Denis provoque ainsi plus une crise de foi qu’un vrai regard sur celle-ci.

Titre original : Ici-bas

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Durée : 100 mn


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