Hitokiri : le châtiment

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Le film d´Hideo Gosha est oeuvre sublime qui déconstruit l´aveuglement mental pour le transformer en questionnement ontologique. Une oeuvre teintée d´amertume et de mélancolie.

Wild Side Vidéo, dans les "Les Introuvables", présente le 2 Avril 2008, en édition collector 2 DVD,  Hitokiri : le châtiment.

Pourquoi le châtiment ? Parce qu’avant de conclure un contrat, Izo Akada hurle la fulgurante sentence. L’empreinte de la mort et l’accession à un infini. L’énergie du film se déploie à partir de la décharge de tensions que les personnages évacuent. Les combats, les scènes de face-à-face, qu’il s’agisse d’un combat ou non, parsèment dans le film un dynamisme de tous les instants. La langue japonaise, dont la musicalité et l’agressivité des mots assurent aussi un fort foyer de tensions, permet de transposer le combat dans la parole. Le débit, la vitesse d’éxecution des phrases déclinent le motif de la fulgurance. Un mot est un coup, la violence physique  se complète d’une violence psychologique et morale. Les personnages n’argumentent pas, ils assènent.  L’interlocuteur n’est qu’une étape, un repère vers la recherche désespérée de l’infini, de la projection mentale vers un ailleurs. Au-delà de la limite humaine, par-delà l’exiguité du monde. Une rafraîchissante et inattendue expulsion. L’épreuve de la vie face à l’aléatoire.

Le sang, la chorégrahie des corps et des lames des samouraïs caressent l’idée de l’homme comme substitution de son propre devenir : mourir dans la dignité, le respect et l’honneur engendre postérité et iconisation du mort. La dernière séquence du film témoigne d’une conversion mélancolique et dramatique : d’un aveuglement intellectuel, le samouraï devient le martyr d’une trahison orchestrée par son maître, Takeshi Hanpei… Naïf et impétueux, Izo est puni sans avoir la possibilité de se faire hara-kiri. Le sang qui jaillit de son torse en fait le chantre du don de soi et de l’abandon de tous idéaux. Un corps-profane qui enferme les spasmes nerveux et les vicissitudes d’un monde à la violence outrancière, acceptée et assumée. Tel un rituel de destruction et un examen de passage.

Les scènes d’action, les courses effrénées faisant jaillir la poussière, les marches rythmées aux sons des pas des samouraïs qui battent le pavé, la notion de pouvoir empruntent au manga son souffle épique et héroïque. Les jets de sang, tout comme les touches comique du film, l’amour de la chair et de la bonne bouffe, les tiraillements, les incertitudes sont réemployés afin de rendre la désillusion et la souffrance plus puissantes. Exploiter comme un chien, Izo préfère la richesse et la crainte qu’il inspire à une condition d’homme. Il est bestial. Son animalité est synonyme de régression. La violence qui s’en dégage augure des recherches esthétiques remarquables : le rouge du sang se mêle aux ténébreuses et pluvieuses nuits, le plan devient l’espace du conflit graphique dans lequel s’empoigne les contraires, l’affrontement du Bien et du Mal transgresse le manichéisme et questionne la relation qu’ont les hommes au pouvoir. L’homme qui exécute les contrats est-il le mal réincarné ou est-il le simple exécutant de la folie d’un autre homme, le maître du clan Tosa ? Chaque action, chaque situation s’épuise jusqu’à sa limite.

Jugé pour ses crimes, Izo sera abandonné par le clan des loyalistes. Il deviendra alors Torazo le vagabond. Le nouveau départ entraine inéluctablement la destruction de l’identité de l’homme. A l’exécution des ordres résonnait en écho la fatidique question « Qui suis-je ? ». La réalisation, avec talent, parvient à générer l’énergie de la résiliation et la contamination politique qui émane des relations entre les hommes : entre révolte et soumission, entre violence et monstruosité révélée, débouche la fin d’un récit initiatique amer d’un naïf aux talents indéniables pour le combat mais à l’asujettissement aveugle pour une avide cause. Torturé, seuls la mort et le sacrifice peuvent le sauver.

Les Bonus du dvd :

Ils offrent un portrait précis de Gosha. La restauration du film est belle. Les sons des sabres, des pas, des hurlements sont puissants. L’atmosphère du film est réactualisée. L’œuvre garde sa densité et son impact.

Le reportage de 52 minutes, Hideo Gosha, jidai-geki style, utilise les entretiens avec ses anciens techniciens pour mettre en lumière son étonnant parcours (de la télévision au cinéma, il était surnommé le Kurosawa de la télévision), sa passion, son amertume, ses projets dans les différents studios de cinéma japonais, ses tiraillements, sa soif de reconnaissance. Lui-même apparaît lors d’une interview: la parole juste et le ton alerte, l’auteur de Goyokin est aussi captivant que talentueux. Ce document se regarde et s’écoute avec attention. On regrettera un peu que sa présence ne soit pas plus soutenue. Une interview du réalisateur sur sa carrière ou sur quelques uns de ses choix esthétiques aurait permis une ouverture plus large sur la filmographie de ce réalisateur atypique.

Cinéaste assez méconnu en France, la sortie dvd de ses films les plus connus permet à la carrière de Gosha d’être éclairée sous un nouveau jour. Les autres entretiens proposés dans le dvd avec Fujio Morita (chef opérateur), Yoshinobu Nishioka (chef décorateur), Masanori Sanada (publiciste et producteur de la Katsu Pro.), Seiichi Sakai (assistant monteur), Tomoe Gosha, fille de Hideo Gosha, offrent un embaumement intéressant de la personnalité de l’auteur nippon.

Hitokiri : le châtiment
, en plus d’être un excellent film d’action et d’aventures, est un dvd réussi et attractif. Un réel plaisir de (re)voir ce film en dvd. Wild Side est une figure de proue de l’édition dvd.

Titre original : Hitokiri : le châtiment

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Durée : 140 mn


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