Henri

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Avec son deuxième long métrage, Yolande Moreau nous offre en toute simplicité et douceur un instant de vie digne des grands récits naturalistes. « Henri » est un film à croquer à pleines dents, sans plus tarder.

Henri est un récit de passages qui se racontent au carrefour des frontières humaines. C’est l’histoire d’Henri, la cinquantaine d’origine italienne, aux commandes du petit restaurant La Cantina près de Charleroi, qui voit sa vie basculer le jour où sa femme meurt subitement. C’est l’histoire de Rosette, « papillon blanc » d’un foyer d’handicapés mentaux proche de La Cantina, attirée irrémédiablement vers l’indépendance et la vie adulte. Ces frontières multiples et variables peuvent prendre tour à tour l’aspect d’un comptoir qu’on n’ose pas quitter, le filet d’une piscine qu’on nous empêche de traverser, la vitre d’une chambre d’hôtel qui nous écarte du monde…

Mais lorsqu’Henri rencontre Rosette, les frontières deviennent poreuses et perméables. Chacun à sa façon, ils vont être libre de choisir quelles sont leur limites et jusqu’où les repousser. En quelques plans séquences et grâce à la justesse des comédiens, la réalisatrice montre avec finesse la relation qui se développe entre ces deux personnages. On remarque ici la complicité qui lie Yolande Moreau, elle-même comédienne, à ses acteurs. Bien sûr, Pippo Delbono (Henri), qui compose magistralement le rôle de petit patron tout prêt à éclore vers sa nouvelle vie, mais surtout la très poétique Miss Ming (Rosette), dont la beauté du geste et le sens du rythme transpercent l’écran d’une aisance qui émerveille.

Moreau parvient aussi à offrir quelque chose de plus en plus rare : l’empathie. Dans Henri, cela tient presque du lien palpable qui peut se créer entre comédiens et spectateurs théâtre. Les comédiens semblent simultanément conscients de leur jeu et de la présence du spectateur de l’autre côté de l’écran. Invitant celui-ci dans l’intimité des personnages, les comédiens écartent ainsi tout voyeurisme, danger possible de ce type d’histoire, installant une atmosphère instantanément plus détendue.

 

 
Yolande Moreau possède le talent de savoir utiliser avec sobriété et délicatesse des symboles forts qui s’accrochent à notre imaginaire, comme par exemple ce plan où la grâce de Rosette accompagne l’envol d’une centaine de pigeons. Le désir de cette scène est d’ailleurs à l’origine du film. La réalisatrice explique que pendant les repérages de Quand la mer monte… (2004), elle aurait déjeuné dans « un petit resto où le patron, colombophile, [lui] expliquait comment on sépare les pigeons, emmenant les mâles à des milliers de kilomètres pour les libérer dans le ciel, et comme ce sont des oiseaux très fidèles, le mâle est pressé de rentrer pour retrouver sa femelle de mois plus tard ». Fascinée par cette histoire, elle a souhaité la « recouper avec le rêve d’envol d’Henri ». Simple dans son ensemble et puissante de par sa simplicité, le sentiment de liberté qui se dégage de cette scène est infini. Touchés par la sagesse d’Henri, on ne peut qu’attendre avec impatience le prochain film de la réalisatrice.


À lire : l’entretien
avec Yolande Moreau.

Titre original : Henri

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Durée : 107 mn


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