Il faut aller de l’avant, toujours faire face à ses propres démons. Littérature, cinéma, peinture, pléthore de prouesses artistiques réunies pour une même cause, vivre libre. Où se cache cette cause juste et belle ? Nulle part ! Il faut fermer les yeux et se laisser guider par ce je-ne-sais-quoi qui fait frémir, qui embellit vos pensées et qui vous fait pleurer. Ce truc, Harvey Milk le cache tel ce précieux coffret que l’adolescent peine à dénicher. Qui est Harvey Milk ? Vous, eux, moi ?
L’histoire, on la connaît. Il fut le premier homme politique américain ouvertement homosexuel à être élu à des fonctions officielles. Il n’a jamais erré de bars en tripots, n’a jamais fait la fine bouche, il s’est juste contenté de happer le vent qui l’orientait constamment sur des pentes vertigineuses. Comme le hasard fait bien les choses, Milk s’est retrouvé embarqué dans une nouvelle quête, la plus importante : renaître.
Dès les premières images, Harvey Milk peut rebuter car Van Sant nous a trop habitué à des films perplexes, complexes et dénués de conventions dont Hollywood a toujours été friand. Là devraient s’arrêter les comparaisons car si nous observons attentivement la filmo du cinéaste, tout se vaut car tout ressemble au cinéaste, à ses envies et à son cri de liberté. Lorsque Van Sant filme le remake plan/plan de Psycho, ce sont ses angoisses qu’il met délibérément en avant et rien que pour ce suicide proclamé, il serait bon ton de revenir sur cette période assez mystérieux où la quintessence de la dépression frappait à toutes les portes. Prête à tout, Will Hunting, Forrester… de beaux titres qui jalonnent une carrière dans laquelle Van Sant a toujours su concilier invention formelle et souci de se fondre dans la foule. S’il n’y avait pas eu tous ces titres cités, nous n’aurions pas connu Gerry, Last Days, Elephant et le surprenant Paranoid Park. Ce ne sont ni des pauses narratives, ni des déboires, juste une belle chanson qui s’étire et qui n’en finit pas d’achever le mélodiste raffiné.
Chaque séquence de Gus Van Sant donne l’impression d’écarter l’artefact, de caresser la beauté qui se faufile souvent entre deux choses inimaginables. Là se trouve le secret de l’art du maître Gus, vouloir filmer un fil qui s’envole continuellement et qui ne retombe jamais sur le sol. Il y a un côté « romantisme » au sens premier du terme, un aspect lugubre et démesuré dans la photo léchée de ce film qui nous effraie, qui nous interroge et qui finalement démystifie les figures héroïques qui souvent émaillent les biopics. Milk est un héros truffaldien car à aucun moment, il ne force les portes avec son épaule ou cogne sur le premier bouffon venu. Milk caresse les joues, surprend et écoute. Réaliste et donc triste, Milk avance à chaque fois qu’il perd et c’est dans cette optique que Gus Van Sant à tourné son film, vers une logique d’homme qui marche sans se fatiguer mais dont le destin pourrait s’avérer mortel. Regardez bien comment la caméra suit Milk, elle le suit comme si elle voulait le surprendre et c’est en cela que le film a ce côté «claustrophobie» qui pourrait intriguer. Et lorsque Van Sant décide d’aérer son personnage, ce sera pour lui indiquer la sortie !
Plus la caméra de l’illuminé Gus van Sant flirte avec les embrouilles des bigots, plus nous assistons à une filmographie qui se construit progressivement sous nos yeux ébahis par tant de recul, et surtout par cette pellicule toujours iconoclaste et conquérante. Oui, je sens une certaine envolée lyrique dans les airs…