Depuis dix ans, depuis Suicide Club (2002), à chaque nouveau film de Sono Sion c’est un éternel recommencement : très peu de sortie en DVD en France, aucune distribution en salles, les films se contentent de vivre illégalement sur internet. Qu’ils soient bancals – Strange Circus (2005), Be Sure to Share (2009) – ou de vraies réussites – Love Exposure (2008), Noriko’s Dinner Table (2005) – tous se retrouvent logés à la même enseigne à savoir inédits, exceptés pour les pirates et les adeptes de l’import. La sortie en salles de Guilty of Romance en ce mois de juillet 2012 est donc une étape importante pour la reconnaissance et la visibilité du cinéaste japonais en France. Alors que la sortie de son film précédent, l’hystérique Cold Fish (2010), patauge du côté de Wild Side – sortie DVD annulée et VOD qui traîne les pieds car visant un public ayant déjà le film sur disque dur, Guilty of Romance sur grand écran est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir celui qui est, incognito depuis dix ans, l’un des plus intéressants cinéastes japonais en activité.
Plus encore que son compatriote Miike Takashi, Sono Sion construit depuis quelques années une filmographie pop où s’invite manga, polar, soap érotisme, j-pop, horreur, giclées de sang, petites culottes et instantanés de la société japonaise. Ainsi, bien qu’il se lance dès les premières minutes dans une enquête policière glauque à souhait – la découverte d’un corps démembré, Guilty of Romance met illico le frein à main. Sono Sion nous avait déjà fait le coup avec Suicide Club et son dernier film lui non plus ne peut pas seulement être un thriller. Rien n’intéresse moins le cinéaste que de mettre la main sur le coupable. Ce qu’il veut filmer c’est la maison de la victime, celle du tueur, le déroulement de leurs journées et de leurs nuits, la façon dont ils mangent et font l’amour. Par la répétition des scènes, par les allers et retours incessants dans des lieux qu’on finit par connaître par cœur, Sono Sion nous fait une place bien confortable dans son film, là, sous les lumières flashy, pile à bonne distance pour que les éclaboussures nous atteignent. Nous sommes aux premières loges, accompagnant une caméra subjective remuante ou attendant à l’entrée de la chambre des ébats, discrets mais toujours avec le meilleur angle de vue. Pas besoin de regarder à travers un petit trou car les pièces n’ont plus ni murs, ni portes, ni fenêtres.
Si je viens tu me laisses faire.