Glory

Article écrit par

Le cinéma bulgare nous donne de ses nouvelles avec ce petit film acerbe.

A même d’enchevêtrer l’humour à la noirceur, l’argument de base de Glory s’avère particulièrement efficace : plonger un archétype d’innocence dans un univers miné par la corruption, et observer, comme pour une réaction chimique, les réactions qui en résultent. Le héros, figure pure et naïve, solitaire évoluant en marge du monde (du cœur de la société comme de son propre milieu), va se retrouver aux prises avec les sphères politique et médiatique en signalant aux autorités la trouvaille d’un magot abandonné. Erigé en modèle d’honnête citoyen, Tsanko va apprendre à ses dépens qu’il aurait mieux fait de garder le silence et de passer son chemin. C’est que l’erreur fondamentale aura été de nouer le contact avec un système qui, dès lors, cherchera à récupérer cette bonne action pour l’intégrer à ses rouages.
 
 

 
 
Le système et la marge

En opposant l’apathie du héros à sa volonté soudaine et inflexible de retrouver une montre perdue, en confrontant au labyrinthe bureaucratique cette détermination individuelle – et apparemment dérisoire – qui fait d’un objet quotidien chargé de souvenirs le moteur d’une lutte contre le pouvoir, les cinéastes jouent avec un certain plaisir la carte de l’absurde, sans toutefois renier un style naturaliste. L’archétype de l’asocial évoluant en marge du monde des hommes – Tsanko est un bègue vivant reclus avec ses lapins dans un abri de fortune – mue malgré lui en pourfendeur d’un régime corrompu ; la trajectoire n’est pas nouvelle. C’est dans l’insouciance et l’intégrité du personnage que Glory trouve son harmonie toute en étrangeté décalée, à mi-chemin entre drôlerie et virulence. La subtilité du film est de ne pas faire de son héros le porte-parole d’un milieu oppressé, mais le révélateur d’un dysfonctionnement social généralisé, d’un mal qui gangrène chaque tissu d’une nation où les puissants sont à la fois le modèle et le reflet du peuple : dans Glory, tout le monde est coupable – le héros lui-même ne pouvant se soustraire à cette logique, dans un final aussi cinglant que forcé. Si auparavant les cinéastes auront pris soin d’ouvrir dans ce tableau très noir un horizon potentiel – l’infect antagoniste féminin finissant par retrouver une conscience –, c’est pour mieux l’enterrer : au pays de la corruption et de la violence érigées en règles, il n’est décidément point de salut.

Titre original : Glory

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 101 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.