Pour la première fois depuis son élection, le président américain Barack Obama était l’invité de Jay Leno, le célèbre animateur de "The Tonight Show"… aux calembours périlleux. Une première pour un président américain. Le test, suivi par 20 millions d’Américains, aurait pu être une réussite totale si Barack Obama ne s’était pas laissé aller à comparer ses mauvaises performances au bowling à celles enregistrées lors des Jeux Paralympiques. Une émission de variétés n’est pas de tout repos pour un politicien. Richard Nixon, premier homme politique à s’être risqué à cet exercice, s’en rendait déjà compte en 1977, comme le (dé)montre Ron Howard dans Frost/Nixon. L’heure de vérité. Il fera un aveu inattendu à la télévision, devant 45 millions de personnes qui n’en attendaient pas moins. Le cinéaste américain s’est intéressé aux coulisses d’un entretien politique novateur dans le paysage audiovisuel américain.
Pendant près de deux heures, Ron Howard sonde l’état d’esprit de deux hommes à la veille du face-à-face télévisuel qui va les opposer. C’est un sentiment particulier, proche de l’affection pour un homme d’Etat acculé, qui pousse David Frost (Michael Sheen) à prendre le plus gros risque professionnel et financier de sa carrière, en organisant cet entretien avec Richard Nixon. Si les Américains souhaitent des explications sur des sujets brûlants comme le Vietnam, les incursions de l’armée américaine au Cambodge ou encore le scandale du Watergate, qui a contraint à la démission le président Nixon, les chaînes américaines ne sont pas pour autant prêtes à investir dans l’opération. Frost, dont la crédibilité en tant qu’interviewer politique est en cause, du fait de son cliquant passé télévisuel, se fera fort de relever le défi. Son "adversaire", Richard Nixon (Franck Langella), virtuose de la langue de bois, souhaite saisir l’opportunité de faire état du bien-fondé de ses décisions (bonnes ou mauvaises) en tant que "Commander in chief" au bilan contestable. Tout est bon pour effacer l’opprobre d’avoir été le premier président américain à devoir quitter la Maison Blanche avant la fin de son mandat . Pour lui, l’entreprise semble d’autant plus aisée que son vis-à-vis ne fait pas le poids.
Frost/ Nixon. L’heure de vérité est une plongée dans la psyché de deux fortes personnalités et de leurs collaborateurs – comparables à des coachs sportifs –, que l’on interroge dans ce pseudo-documentaire. Le subterfuge narratif utilisé par Howard mêle témoignages et réalité, présent et passé, à la manière d’un documentaire historique. Il confère ainsi acuité et vivacité à une intrigue dont le scénario est inspiré de la pièce de Peter Morgan, « Frost Nixon », que le dramaturge a adaptée lui-même pour le grand écran. Michael Sheen et Franck Langella ont été respectivement Frost et Nixon sur la scène, ils le sont encore devant les caméras. C’est à cette connivence que l’on doit certainement cette fluidité dans l’interprétation. Elle concourt à entretenir l’illusion : celle d’être une petite souris omnipotente et omniprésente, aux premières loges d’un évènement historique vieux de 32 ans.