Fast food nation

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Comédie contestataire et irrévérente qui s´attaque à un gros sujet, aidé par le spécialiste du genre : Greg Kinnear. Un peu bancal peut-être mais avec des idées intéressantes…

Il y a quelque chose dans le film de Richard Linklater qui pourrait avoir, au premier aspect, un arrière-goût de western. Sans doute le lieu, mythique frontière entre les Etats-Unis, la présence de bétail et les images de ces milliers de vaches qui se mêlent au désert, y jouent pour beaucoup. Pourquoi ne pas se laisser tenter par cette idée ? Au fond, la question que sous-entend Fast Food Nation (le titre est déjà révélateur…) est la même qui avait habité les vieux westerns : celle du pays. L’Amérique d’aujourd’hui semble, dans ce film, se poser la question depuis longtemps… Comment concilier le progrès, inéluctable condamnation du destin américain et le respect de la vie humaine et de l’environnement ?

Avec ce film, on pourrait s’amuser à détecter plusieurs éléments du genre « meta-américain » par excellence. D’abord, on remarquera que les vieux constructeurs du chemin de fer sont arrivés à leur fin. Aujourd’hui, ils investissent des millions de dollar dans la restauration rapide et se sont enrichis grâce à la loi du marché, sans aucun scrupule, leur seul but étant d’ajouter de l’argent à l’argent. Bourgeois, soucieux de leur petite famille et incapables d’avoir une vision globale plus large des conséquences de leurs actions, ils ont réussi à coloniser les terres sauvages du Colorado, et à y installer toute la chaîne de production des hamburgers : élevages massifs de vaches, abattoirs, usines et, naturellement, des restos. Ils exploitent des esclaves, toujours et encore des mexicains : leur destin n’ayant malheureusement pas changé au cours des siècles, ils sont encore obligés de vendre leur temps et leur corps pour quelques dollars. Représentation d’une société pauvre où la solidarité exerce encore un contrepoids à la concurrence.

Il y a aussi les « autres américains ». Ceux qui habitaient cette terre avant, qui portent en eux les valeurs des pionniers, qui se battent pour la liberté et pour leur indépendance. Les habitants de cette zone de frontière, comme Amber, obligé de travailler chez Mikey’s, qui cultive toutefois l’espoir de pouvoir partir, d’aller à la fac, de se refaire une vie tout comme son oncle, nostalgique de son passé militant et rêveur. Ou comme Rudy, qui se bat pour garder son ranch des usurpations capitalistes et qui joue le rôle, typique dans le western, du « oldtimers » : celui qui se souvient du passé, qui porte la mémoire d’un lieu. C’est en jouant sur le contraste entre ces trois blocs sociaux que le récit se déclenche.

Quelques éléments manquent dans ce western de notre temps : des Indiens bien sûr, aujourd’hui souvenir jauni de ce qu’ils étaient autrefois. Mais surtout il manque un héros. Quand on est presque convaincu que Don Henderson, représentant du conseil d’administration de Mikey’s, en visite pour la première fois dans les usines, se repentira et changera de camp pour aller combattre la cause des résistants, le scénario se dérobe. D’une façon peu élégante à vrai dire, un « deux mois après » un peu grossier, l’histoire s’éloigne de sa résolution la plus banale, en continuant à suivre les vies de ces hommes et de ces femmes soumis à une condition dont on est certains qu’elle existe depuis longtemps et sur laquelle on ne se fait plus d’illusion d’un changement probable. Et c’est peut être ça qui fait que Fast Food Nation arrive en quelque sorte à être un miroir de la société américaine contemporaine. Or comme tout miroir, il en reflète aussi le défaut. En particulier, ce qui saute aux yeux, c’est la contradiction entre le propos du film et la façon dont il est construit.

Au fond, on aura le droit d’avoir fortement le sentiment d’être trompé par une industrie. Non celle du hamburger cette fois-ci, mais plutôt celle du cinéma. Dans les deux apparemment, on a l’impression de devoir avaler un travail pré-mâché, parce qu’une œuvre plus complexe, qui demanderait à être savourée au lieu d’être avalée à toute vitesse, se vend moins bien. Et dire que c’est du cinéma indépendant, pourtant courageux à l’heure actuelle dans un pays de plus en plus conservateur comme les U.S.A., mais qui accepte une logique, une façon de penser le film comme objet de consommation pour un public et non pas pour des spectateurs. Quel besoin en effet de céder au discours rhétorique facile, de s’appuyer sur un sentimentalisme quelque peu stéréotypé, d’utiliser une starlette de la contre culture MTV contemporaine comme Avril Lavigne ? Quel est le but de cette recherche à tout prix de l’image frappante, du sexe ou du sang, sinon un goût de la spectacularisation qui se retourne contre lui-même ? Pourquoi chercher l’effet, la vitesse, l’action au lieu de prendre le temps de réfléchir sur le problème d’une façon plus approfondie ?

La plus grande limite du film est sans doute un manque de finesse qui se révèle dans l’explicitation constante d’un discours partageable mais un peu simpliste, qui rend le film souvent un peu bancal. C’est peut être l’effet d’un instinct « pédagogique » pas assez contrôlé ? Ados du monde entier convertissez-vous…

Titre original : Fast food nation

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Durée : 114 mn


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